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Ambassadeur de Guinée à Addis: « la présidence d’Alpha Condé a été innovante pour l’UA et a permis à l’Afrique d’être écoutée et respectée»

En marge du 30ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine (UA), qui s’est tenu les 28 et 29 janvier à Addis-Abeba, Mme Sidibé, Fatoumata Kaba, Ambassadeur de Guinée en Ethiopie et auprès de l’organisation panafricaine, a bien voulu accorder à une équipe de reporters de Guineenews et de Mediaguinee une interview à bâtons rompus.

Nous sommes l’après-midi de ce jeudi 1er février à Addis-Ababa, dans l’immense bureau de l’Ambassade, non loin des concerts de klaxon des véhicules, des sifflements et ballets du tramway provenant de la grande avenue Debre-zeit Road de la capitale, la Diplomate avec sa voix suave mais incisive, affronte sans détour le feu roulant des questions de notre équipe.

Du huis clos des chefs d’Etat et de gouvernement lors de la dernière session de l’UA à la situation des ressortissants guinéens vivant dans sa juridiction, en passant bien sûr par le partenariat stratégique récemment signé entre la compagnie Guinea Airlines de notre compatriote Antonio Souaré et le groupe ‘’Ethiopian Airlines’’, les tractations en cours pour faire aboutir le dossier de candidature de la Guinée pour abriter le futur centre minier africain et sans oublier le bilan du président Alpha Condé à la tête de l’UA, Mme Sidibé, celle qui a été d’un bout à l’autre la cheville ouvrière de cette présidence guinéenne,  aborde tous ces sujets d’intérêt national et africain avec aisance et maîtrise.  Lisez plutôt !

Guinéenews : Quel bilan dressez-vous du mandat du président Alpha Condé à la tête de l’Union Africaine (UA) ?

Mme Sidibé Fatoumata Kaba : Le président Alpha Condé est venu à la tête de l’Union Africaine (UA) à un moment où de nombreux défis interpellaient l’organisation continentale à savoir : le renouvellement du leadership de la commission, le retour du royaume du Maroc, les questions de paix et de sécurité ainsi que les questions stratégiques. A Kigali, en juillet 2016, on devrait procéder au renouvellement de leadership de la Commission. Cela n’a pu être fait pour la simple raison que l’élection n’a pu se tenir et elle a été reportée au mois de janvier 2017. Donc, la première action qu’il a eue à faire dès que le président Idris Deby [du Tchad, ndlr] lui a passé le témoin, c’était d’organiser cette élection. Il l’a réussie, l’UA s’est dotée d’une nouvelle équipe dirigeante. Il a également procédé au lancement du thème de l’année 2017 qu’a été « Tirer pleinement profit du dividende démographique en investissant dans la jeunesse. » Ce thème était très important parce que les jeunes constituent 70% de la population africaine. Le lancement de ce thème a permis aux Etats membres de se l’approprier. Et la nouveauté également a été le fait que l’UA, en rapport avec le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), s’est dotée, pour la première fois, d’une feuille de route. Donc, durant toute l’année, les Etats étaient amenés à mener des activités dans le cadre de la promotion des jeunes. Ce thème était axé autour des piliers que sont l’éducation, la santé, le bien-être, l’emploi des jeunes, l’autonomisation des jeunes et le respect des droits des jeunes. Donc, c’était un thème extrêmement important. Et durant toute l’année, les activités ont été menées.

En rapport avec le leader sur le thème de l’année, qui était le président Idris Deby, il fallait organiser, conformément à la feuille de route, un forum africain qui allait regrouper les organisations de jeunesse. Cela a été très important. La feuille de route demandait également la mise en place d’un fonds pour les jeunes. En fait, c’est un travail de fond, de sensibilisation sur le rôle que les jeunes doivent jouer désormais dans le développement de l’Afrique. Et cela a été un acquis de la présidence du professeur Alpha Condé.

Sur la question de paix et de sécurité, comme vous le savez, avec la persistance des conflits en Afrique, ça n’a pas été une année facile en Afrique. Il y a eu des conflits traditionnels que vous connaissez, il y a également le terrorisme et l’extrémisme violent. Donc, sur toutes ces questions, le président Alpha Condé a travaillé étroitement avec tous les départements et il s’est investi dans la recherche des solutions durables à ces conflits.

Il y a eu le retour du royaume du Maroc. Comme vous le savez, le Maroc a quitté et il est revenu après 32 ans. Alors, il y avait ceux qui étaient contre et ceux qui étaient pour. Conformément à l’article 29 de l’acte constitutif, la majorité a voté pour la réintégration du Maroc à l’UA. Cependant, ceux qui étaient contre se sont appuyés sur l’alinéa B de l’article 4 pour barrer la route au Royaume. Mais, grâce également au leadership de notre président, ce retour s’est passé sans incident.

Aussi, au moment où notre président arrivait, il y avait un déficit de paiement des contributions des pays membres de l’Union africaine. Face à ce déficit, il a rappelé aux Etats membres leur engagement pour les inciter à payer leurs contributions.

Le président Alpha Condé est arrivé à un moment où l’Union africaine était engagée dans un vaste programme de réforme initié par le président Paul Kagame. Ce projet lui a été soumis à Conakry par le président Paul Kagame qui s’est rendu dans notre capitale en compagnie du président tchadien Idriss Deby. Il s’agit d’un projet extrêmement important pour l’organisation panafricaine. Puisqu’il cherche à répondre à la question de savoir comment rendre l’Union Africaine performante face aux défis qui interpellent le continent. Comme il est connu de tous, l’un des gros problèmes auxquels l’institution est confrontée, c’est celui du financement. 70 % des financements des projets et programmes proviennent des partenaires. Le président Alpha Condé a estimé que cela ne devrait pas continuer, et qu’il fallait alors trouver des financements innovants pour réaliser les projets phares contenus dans l’agenda de l’organisation.

La réforme proposée était non seulement institutionnelle, mais elle touchait aussi la rationalisation des méthodes de travail. Il faut dire que le constat était vraiment alarmant. Sur 1500 décisions prises, seulement moins de 30 ont été effectivement mises en œuvre. Donc, unanimement, on a décidé de la rationalisation des méthodes de travail. Les Etats membres ont également évalué les partenariats stratégiques. Et ils ont estimé qu’il n’est pas normal que lors des sommets, les 55 pays membres soient en face d’un sous-partenaire. Désormais, lors des réunions sur le partenariat, il y aura le président en exercice, les présidents des communautés économiques régionales, la ‘’troïka’’ constituée du président sortant, du président entrant et du prochain président en exercice) … Et la conférence se fait avec les cinq continents.

En janvier 2017, la décision 635 a été prise pour fixer la nouvelle nomenclature des partenariats stratégiques. Cela est aussi un acquis. L’autre innovation du président Alpha Condé est la désignation des champions. Des champions pour s’occuper des préoccupations majeures du continent. Par exemple, le président du Ghana [Nana Akufo-Addo,ndlr] s’occupe des questions de genre. Le domaine de l’agriculture a été confié au Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn. La ZLEC (Zone de libre-échange continentale) a été confiée au président Issoufou du Niger. La ZLEC est l’un des dossiers phares de l’Union Africaine. La mise en œuvre de la ZLEC favorisera le développement rapide du continent. Elle permettra également aux Africains de s’approprier l’agenda 2063. Le dossier de l’intégration politique du continent a été confié au président ougandais Yoweri Museveni qui est particulièrement intéressé par ce sujet. Quant au président Paul Kagame, il (Alpha Condé) l’a désigné champion de la réforme institutionnelle de l’Union Africaine. Comme notre président a l’habitude de le dire dans les fora, la main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit. Il estime que si nous voulons un partenariat d’égal à égal avec nos partenaires stratégiques, il faut que l’Afrique, pour sa propre crédibilité, soit en mesure de financer ses programmes et projets initiés dans le cadre de l’agenda 2063. Il a donc été demandé de prélever 0,2 % sur les importations des produits éligibles afin de faire face au déficit budgétaire chronique de l’organisation. A ce jour, plus d’une vingtaine d’Etats applique ce prélèvement.

Dans le cadre du maintien de la paix sur le continent, notre président a estimé que les Nations Unies devraient prendre en compte les soldats africains. Il l’a même répété lors de ce sommet (le dernier) en demandant comment voulez-vous qu’un Pakistanais ou un Indonésien meurt sur le champ des conflits en Afrique. Un accord a donc été signé entre le président de la Commission de l’Union africaine et le Secrétaire général des Nations Unies pour donner davantage de rôles aux Africains dans la gestion et le règlement des conflits en Afrique. Cela devrait aussi favoriser le recrutement de soldats africains pour les opérations de maintien de la paix. C’est aussi un acquis.

Le président Alpha Condé a changé les habitudes. Je vous avoue que chaque chef d’Etat désigné comme leader prenait sa mission très au sérieux. Il y en a qui ont présenté des rapports à mi-parcours, alors que d’autres continuent à présenter des rapports. C’est aussi une innovation.

Dans le fonctionnement de l’organisation, il y a des sous-comités. Et, le président Alpha Condé a renouvelé sa confiance aux chefs d’Etat qui président ces sous-comités. Parmi ces sous-comités, il y a le Comité des 10 sur la réforme du conseil de sécurité, qui est piloté par le président Ernest Bai Koroma [de la Sierra Léone, ndlr]. Il y a également le Comité d’orientation des chefs d’Etat sur le changement climatiquequi a à sa tête le président Ali Bongo Ondimba du Gabon. Le Kenya ayant une grande expérience dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication, son chef d’Etat [Uhuru Kenyatta, ndlr] a été porté à la tête du sous-comité sur ce domaine…

Je crois que vous avez assisté au tonnerre d’applaudissements lorsque notre président a fait son discours de passation. Unanimement, le bilan du Professeur Alpha Condé à la tête de l’UA a été reconnu positif. Ce qu’on peut aussi retenir de son passage à la tête de l’UA, c’est son plaidoyer en faveur de l’Afrique sur les tribunes internationales, notamment à l’Assemblée générale des Nations Unies et au G20. Il a clairement expliqué aux partenaires internationaux les projets phares de l’Union Africaine. Je peux le dire, sans risque de me tromper, que l’Afrique a été écoutée durant la présidence du Président Alpha Condé. Cela aussi est très important d’être noté.

Guinéenews : En marge de ce 30ème sommet des chefs d’Etat, la Guinée, à travers la compagnie Guinea Airlines, a signé un partenariat stratégique avec Ethiopian Airlines. Sur ce dossier, le ministre guinéen des Transports n’a pas tari d’éloges à votre endroit. Pouvez-vous nous dire quel a été l’apport de l’ambassade pour arriver à un tel accord ?

Mme Sidibé, Fatoumata Kaba : Nous sommes accrédités auprès du Gouvernement éthiopien. Chaque fois qu’il y a une délégation qui arrive, elle vient se présenter à l’ambassade pour nous dire l’objet de sa mission. Particulièrement, nos relations avec l’Ethiopie sont des relations anciennes. C’est Ethiopian qui faisait réviser les avions de l’ancienne compagnie Air Guinée. Ethiopian Airlines a contribué à la formation de nos pilotes. Mais toutes les fois qu’il y a eu des perspectives pour ouvrir une ligne Addis-Abeba-Conakry, il y a eu toujours des petits problèmes. Grâce à l’implication des nouvelles autorités, on a pu ouvrir le 2 février 2017 la ligne Conakry-Addis-Abeba. Aujourd’hui, Ethiopian Airlines dessert Conakry cinq fois par semaine. Cela a été une excellente chose et a permis de soulager un peu nos compatriotes qui vont en Chine, au Japon et qui étaient obligés de mettre deux ou trois jours en route avant d’y arriver. Cela a aussi permis non seulement d’alléger la souffrance de nos compatriotes mais également de développer nos relations commerciales et culturelles entre les pays qui ont une longue expérience dans le domaine de l’aviation. Ethiopian Airlines est l’une des plus vieilles compagnies en Afrique, elle a 72 ans d’existence aujourd’hui. Son expertise est connue sur le plan mondial. Dans le cadre de cette coopération en rapport avec des politiques qui font leur travail pour la mise en place de cette nouvelle compagnie, je crois que le PDG deGuinea Airlines, M. Antonio Souaré a fait appel au ministre des Transports [Oyé Guilavogui] pour un partenariat avec Ethiopian Airlines. La signature de la convention a été une excellente chose. Et c’est ce qui va nous permettre, dans un meilleur délai, de contribuer au lancement de la nouvelle compagnie guinéenne.

Guinéenews : Par rapport à ce partenariat, nous savons bien qu’il y a des préalables du côté guinéen. Peut-on les connaître ?

Mme Sidibé, Fatoumata Kaba : Ce sont des questions tout à fait techniques. Il serait mieux de vous référer au Directeur de l’Aviation qui était là avec son ministre. Je pense qu’ils ont des explications techniques. Mais les Ethiopiens sont très rigoureux, s’ils se sont engagés à signer, c’est parce que la Guinée a rempli tous les critères. Je pense qu’ils ont visité et revisité les accords avant de les signer. Je suppose que la Guinée a répondu à tous les critères.

Guinéenews : Vous êtes l’Ambassadeur de la Guinée à Addis-Abeba, à UA et vous couvrez également quatre autres pays que sont le Kenya, la Tanzanie, Djibouti et l’Ouganda. Peut-on connaître aujourd’hui la situation de nos compatriotes vivant dans ces pays ?

Mme Sidibé Fatoumata Kaba : Je puis vous dire que dans les pays comme l’Ouganda, les Guinéens se portent très bien parce qu’ils ont une loi qui favorise l’investissement et qui permet aux étrangers de mener des activités économiques. Donc à ce niveau, nous n’avons pas de problème. Par contre, nos compatriotes qui sont en Tanzanie sont victimes d’arrestations arbitraires. Nous sommes en train de travailler sur le dossier. Je m’apprête à aller même en Tanzanie pour plaider la cause de nos compatriotes qui sont arrêtés de façon arbitraire. Certains viennent d’être libérés, il y a trois personnes qui sont arbitrairement en prison. 

Guinéenews : Qu’est-ce qu’on leur reproche ?         

Mme Sidibé, Fatoumata Kaba : Bon, on cherchait le mari. Ce dernier étant absent, on arrête la femme et le frère alors qu’ils ne sont pas comptables de ce que le mari a fait. S’il se trouve que le mari a gâté quelque chose, nous allons donc partir rencontrer les autorités tanzaniennes. Ici, en Ethiopie, il y a des compatriotes qui ont été arrêtés. C’était à cause de la drogue. Ils ont été pris en flagrant délit dans le commerce de la drogue, soit au moment de leur transit ou en Ethiopie même. Ils sont au nombre de trois et il y a une qui se disait Guinéenne, qui détenait un passeport guinéen et elle a été libérée. A ce jour, nos consuls sont régulièrement en contact avec nos compatriotes qui peuvent être élargis avant la fin de la peine. 

Guinéenews : Qu’est-ce qui a changé par rapport au thème de l’année dernière sur le dividende démographique ?

Mme Sidibé, Fatoumata Kaba : L’Afrique compte aujourd’hui 1,5 milliards d’habitants. Et d’ici 2050, elle sera à 2,5 milliards d’habitants et 70% sont constitués de jeunes de moins de 25 ans. Si cette jeunesse n’est pas bien formée, si elle n’a pas accès au processus de prise de décision, si cette jeunesse n’est pas autonomisée, au lieu d’être un levier important du développement économique, elle pourrait être une bombe à retardement contre nos dirigeants. Donc, la question de la jeunesse est au cœur des préoccupations des dirigeants africains. C’est pourquoi, il a été demandé expressément que la gestion du thème de l’année aille au-delà de 2017. Aucun dirigeant africain ne peut mettre de côté la question de la jeunesse. Durant notre mandat, il y a eu des questions émergentes, celle de trafic d’êtres humains en Libye qui a été honteux et qui a été découvert. Sous le leadership du président Condé et lors du sommet UA-UE en Côte d’Ivoire, une déclaration a été faite pour condamner ce genre de trafic et demander que les auteurs de cet acte inhumain et ignominieux soient poursuivis et traduits devant les juridictions internationales. Avec les partenaires européens précisément, l’UA et l’UE ont travaillé après Abidjan pour essayer de voir comment les jeunes, avec l’appui de l’OIM, peuvent retourner dans leurs pays et comment œuvrer pour leur insertion dans leurs pays respectifs.    

Guinéenews : Nous sommes à la fin de cette interview. Quel est votre message à l’endroit des jeunes qui sont tentés par la migration ?

Mme Sidibé, Fatoumata Kaba : Le message que j’ai à leur lancer est qu’ils évitent de prendre le risque de mourir dans la Méditerranée. Les efforts qu’ils fournissement ailleurs, ils peuvent le faire chez nous. Nous sommes un pays de l’avenir, notre pays regorge d’immenses ressources naturelles. Je dis aux jeunes d’avoir foi en l’avenir de la Guinée. C’est un pays merveilleux et doté par la nature, que ce soit dans le domaine de l’agriculture ou celui des ressources minières. C’est un pays d’avenir. Les souffrances qu’ils (les jeunes, ndlr) traversent dans les autres pays avant de réussir, s’ils fournissent les mêmes efforts dans notre pays, ils vont réussir et ils prendront une part importante dans le développement de notre pays.

Propos recueilli par Camara Moro Amara, de retour d’Addis-Ababa, Ethiopie pour Guinéenews

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