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Apport du syndicat au combat pour l’indépendance, syndicalisme et politique, récurrence des crises syndicales, Lélouma Diallo à coeur ouvert à Guinéenews

«Les crises syndicales que nous avons connues et qui existent aujourd’hui ne concernent pas seulement la Guinée. C’est une réalité à travers le monde »

Abdoulaye Lélouma DIALLO est le représentant Permanent de l’OUSA à l’OIT et au Bureau des Nations-Unies à Genève. Ce syndicaliste a accepté à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance guinéenne de nous accorder une interview. Le membre du Comité Exécutif revient sur le rôle du syndicalisme pour l’émancipation du peuple.  Lisez (Crédit-photo: Radio Algérie)

 Guinéenews : vous comptez parmi les grands syndicalistes guinéens. A ce titre, qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans la lutte syndicale de la révolution à la démocratie ?

Elhadj Abdoulaye Lélouma Diallo: il faut d’abord rappeler que la lutte syndicale a pour objectif non seulement l’amélioration et la promotion des conditions de vie et de travail des travailleurs. Mais aussi  la révolution pour accéder à la liberté et à l’indépendance pour les colonies et la démocratie pour les états souverains. Cette mission syndicale a justifié l’implication des organisations syndicales dans les luttes pour l’indépendance des pays colonisés à travers le monde et particulièrement en Afrique. A titre de preuves nous pouvons mentionner le rôle de l’UGTAN (Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire) en coopération avec le FLN, qui a non seulement revendiqué le respect des droits légitimes des Travailleurs Africains, mais a aussi recommandé aux colonies françaises d’Afrique de voter « NON » lors du Référendum du 28 Septembre 1958. C’est aussi l’occasion de souligner à titre de preuves concrètes le rôle des syndicats en Afrique du Sud dans la lutte contre l’apartheid  et la discrimination, en Algérie avec l’UGTA (Union Générale des Travailleurs Algériens) dans le combat pour l’indépendance en coopération avec le FLN (Front de Libération Nationale).

Guinéenews : vous avez connu Sékou Touré syndicaliste, est-ce qu’il vous a inspiré ?

Elhadj Abdoulaye Lélouma Diallo: j’ai l’honneur et la chance de connaitre le Président Sékou Touré suite à mon élection comme Secrétaire Administratif élu au 8eme Congrès de la CNTG en 1975 et par la suite en ma qualité de Secrétaire Général Adjoint de l’OUSA (Organisation de l’Unité Syndicale Africaine) dont le siège est à Accra (Ghana). Il m’a inspiré par sa conviction syndicale, sa conviction de panafricaniste, sa fidélité aux principes du syndicalisme qui sont la solidarité avec les mouvements de Libération en Afrique, sa volonté de lutter pour l’amélioration des conditions de travail et  de vie des travailleurs. A titre de preuves, je peux mentionner l’appui et le soutien à l’OUSA dont il recevait en personne le Président et le Secrétaire général (SG) chaque fois que ceux-ci étaient en mission en Guinée.

Guinéenews: parlez-nous de votre combat pour l’épanouissement du syndicalisme en Guinée et en Afrique.

Elhadj Abdoulaye Lélouma Diallo: je suis effectivement le Représentant Permanent de l’OUSA à l’OIT et au Bureau des Nations-unies à Genève. Mon combat pour l’épanouissement du syndicalisme en Guinée et en Afrique porte sur les aspects ci-après:

  1. En Guinée, il s’agit de :

-Tout faire pour préserver la mission et promouvoir le rôle de la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée (CNTG) qui est et demeure la seule Institution de notre République qui existe et n’a fait l’objet d’aucune dissolution. Elle a participé à la création en 1973 à Addis-Abeba de l’OUSA dont le premier président a été Lanciné Sylla, le Secrétaire Général de la CNTG. Le 17ème Congrès de la CNTG s’est tenu en 2016. Elle demeure la Centrale la plus représentative de notre pays. L’actuel SG de la CNTG, el Hadj Ahmadou Diallo est membre du Comité Exécutif de l’OUSA en qualité de Vice-président. Les  anciens Secrétaires Généraux ont été élus au Conseil d’Administration du BIT (Bureau International du Travail) l’un pour un mandant (Kébé), l’autre 3 mandants (Hadja Rabiatou Sérah DIALLO qui a été aussi élue vice-présidente de la Conférence Internationale du Travail en 2008 ;

-Inciter la CNTG à promouvoir l’unité d’actions comme c’est le cas avec l’USTG (Union Syndicale des Travailleurs de Guinée) depuis le regretté Dr Ibrahima Fofana  auquel il faut rendre hommage pour ses convictions syndicales. J’encourage mes camarades à poursuivre la syndicalisation et la formation des Jeunes et des Femmes, à renforcer les capacités de négociation, à promouvoir la solidarité, le dialogue pour préserver la paix sociale et la sécurité, conditions sine qua non du développement  de notre chère Guinée

  1. b)  En Afrique :

-Renforcer l’OUSA  qui est et demeure la seule Organisation panafricaine qui regroupe toutes les sensibilités et tendances syndicales dans les 55 pays africains et promouvoir les valeurs et l’éthique et la solidarité syndicale, la syndicalisation des Jeunes et des Femmes, la préservation de la paix et le dialogue au niveau national, régional et continental. La 41ème session du Conseil général de l’OUSA qui vient de se tenir Alger (22-27 septembre 2018) et qui a regroupé la presque totalité des pays africains (49) a réitéré ses objectifs et mandaté toutes les centrales affiliées à s’impliquer concrètement pour l’aboutissement de ces objectifs.

Guinéenews: la Guinée traverse une crise syndicale depuis pratiquement la fin de règne du président Conté. Selon vous, quelles en sont les principales causes?

Elhadj Abdoulaye Lélouma Diallo: les crises syndicales que nous avons connues et qui existent aujourd’hui ne concernent pas seulement la Guinée. C’est une réalité à travers le monde. En Guinée, nous avons une dizaine de Centrales. A titre d’exemple, nous pouvons citer en Afrique, le Sénégal 25 Centrales, la République Démocratique du Congo,  une trentaine de centrales. Les causes sont endogènes et exogènes. Les pouvoirs en place dans beaucoup de pays favorisent l’émiettement du mouvement syndical, la division pour affaiblir les rapports de force lors des négociations et des dialogues. Certains leaders syndicaux ne prennent pas en considération les intérêts des Travailleurs qui les ont élus et auxquels, ils ont le devoir de redevabilité. Mieux, certains d’entre eux n’ont même pas de sièges ne respectent pas leurs statuts et leurs règlements intérieurs, ne tiennent pas leurs congrès dans les délais, n’ont pas de structures horizontales (comités de bases, sections syndicales, unions locales et régionales) et verticales (Fédérations professionnelles). Malgré cette situation, que nous connaissons en Guinée et ailleurs, mon devoir, c’est de suggérer de privilégier l’unité d’action, la solidarité car unis, nous serons forts et obtiendrons des victoires en faveur des Travailleurs, divisés nous perdrons la confiance de ceux au nom desquels nous prétendons exister.

Guinéenews : le syndicalisme a été pour beaucoup de Guinéens un tremplin pour accéder à des postes politiques. Est-ce votre avis ?

Elhadj Abdoulaye Lélouma Diallo: l’accession aux postes politiques est de dimensions multidimensionnelles. Le syndicalisme est l’une d’entre elles. Il en est de même pour les structures de la société civile: ONGs, Associations, Structures religieuses  etc.

En Guinée l’exemple du premier Président qui a été et a demeuré syndicaliste toute sa vie, comme il l’a affirmé en 1984 à Conakry dans son discours d’ouverture du Congrès Constitutif de l’OTAO (Organisation des Travailleurs de l’Afrique de l’Ouest), son exemple  incite certains Guinéens  à suivre cette voie pour accéder à des postes de responsabilités politiques. Le cas n’est pas seulement guinéen. Il y a eu le Brésil, la Pologne, la Zambie qui ont élus des Présidents syndicalistes.

Guinéenews : quel regard avez-vous du 60e anniversaire de la Guinée sur le plan syndical ?

Elhadj Abdoulaye Lélouma Diallo: je me félicite du rôle  joué par le mouvement syndical guinéen pour l’acquisition de notre indépendance nationale et rappeler que la République a été proclamée le 2 octobre 1958 par Saïfoulaye Diallo  en sa qualité de président de l’Assemblée Constituante. C’est aussi le moment de signaler le rôle des Syndicats dans l’élaboration de notre première Constitution ayant pour devise Travail, Justice et Solidarité qui sont des principes syndicaux. Suite l’admission de la Guinée aux Nations-Unies en décembre 1958 comme 82ème Etat membre grâce aux qualités diplomatiques et convictions patriotiques de Diallo Telly, en sa qualité de Représentant de la Guinée aux Nations-Unies, sur recommandations des Syndicat, nous avons adhéré à l’OIT (Organisation Internationale du Travail à dimension  tripartite (Gouvernements, Travailleurs et Employeurs) en janvier 1959. La CNTG qui est et demeure la Centrale historique doit assumer ses responsabilités et promouvoir l’unité d’action syndicale, la syndicalisation des Jeunes et des Femmes, la préservation du pouvoir d’achat des travailleurs par les négociations collectives, la paix et le dialogue

Elle doit assumer ses responsabilités au niveau régional avec l’OTAO, continental avec  l’OUSA  et international avec la CSI (Confédération Syndicale Internationale).

Mes  vœux les plus ardents et mon indéfectible souhait sont et demeurent le renforcement et la consolidation du mouvement syndical en Guinée et en Afrique pour promouvoir les intérêts légitimes matériels et moraux des Travailleurs des Peuples. Le syndicalisme, c’est la lutte, la conviction, la solidarité. Unis, nous vaincrons ; divisés, nous perdrons !

Entretien réalisé par Amadou Kendessa Diallo

 

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