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Avec Aliko Dangote, le Nigeria est-il en train de réussir le pari de l’industrialisation ?

Accroître le commerce intra-africain d’environ 60% est l’ambition affichée de 44 pays membres de l’Union Africaine, qui ont signé, en mars 2018 à Kigali, l’accord instituant la zone de libre-échange continentale (ZLEC). De nos jours, on estime que les pays africains échangent entre eux, seulement à hauteur de 16%, selon le site de conseil en placements boursiers le revenu. Toutefois, la première économie du continent africain de par son PIB (produit intérieur brut), 594.2 milliards USD, contre 312.7 pour l’Afrique du Sud, le Nigéria, s’abstient pour l’instant de le faire. L’argument officiel avancé par le président Muhamadu Buhari, qui n’a pas fait le voyage de Kigali, est qu’il donne plus de temps aux consultations internes dans son pays…Crédit : Lejecos.

Il faut savoir qu’il y a au Nigeria, des forces économiques importantes qui mènent un lobbying contre cet accord.

D’aucuns affirment que la position actuelle du Nigeria par rapport au ZLEC traduit on ne peut plus clairement, la tendance protectionniste que ce pays a adoptée, afin d’assurer son industrialisation.

Une anecdote souvent comptée par Aliko Dangoté, (nous prenons le soin de vous la compter plus loin) l’homme le plus riche d’Afrique (environ 12.5 milliards de dollars) donne du crédit à cette affirmation.

En effet, celui qui s’est enrichi par le commerce, s’est mué en défenseur farouche des mesures protectionnistes afin de stimuler la production industrielle locale de son pays. Il défend la thèse selon laquelle l’Afrique a besoin de politiques protectionnistes afin de développer un tissu industriel « robuste » et « durable » qui lui permettra d’être compétitive au plan international selon le site d’information economiques sud-africain businesslive.

L’entrevue qui vaut des milliards des dollars US…..

Aliko Dangoté ne cache à personne le petit secret qui a fait de lui le milliardaire en dollars le plus riche d’Afrique. Un jour, au petit matin en 1999, quelques temps après l’élection présidentielle, il reçoit un appel de celui qu’il affectionne d’appeler « Baba », qui souhaite le rencontrer. Le Président voulait comprendre pourquoi le Nigeria ne pourrait-il pas produire du ciment en lieu et place de son importation massive.

Fidèle à son flair de businessman, il saisit l’opportunité pour convaincre le président Obasanjo en lui disant que la production locale ne serait rentable que si le Nigeria impose des restrictions aux importations sous forme de droits de douanes. Le Président adhère et la suite nous la connaissons tous : « Dangoté Cement » connaît une croissance fulgurante et produit aujourd’hui dans environ 14 pays africains, avec une capitalisation boursière d’environ 20 milliards de dollars US en 2014 et une production annuelle qui a atteint en 2017 45 million de tonnes métrique de ciment par an. Il a aussi lancé des industries dans le sucre et le blé.

Il est important de comprendre que l’Empire Dangoté s’est construit de 1977 à environ 1996 sur le commerce de biens importés, selon les propres mots de l’intéressé lors du panel récent en Afrique du Sud. Le tournant industriel qui a permis au groupe de faire du Nigeria un pays émetteur d’IDE lui a été conseillé par un cabinet de consultant en stratégie. Il lui a également été suggéré de se rapprocher de l’Etat pour l’influencer en vue de l’adoption de politiques publiques favorables à l’éclosion industrielle. Il avait confié à ce cabinet la mission de lui dire comment le Nigeria pouvait assurer une transition réussie d’une économie tournée vers les importations massives à celle d’une puissance industrielle. C’est dire combien l’homme est visionnaire. Sa réussite ne doit rien au hasard. Elle résulte d’une démarche structurée, pensée, planifiée et mise en œuvre avec rigueur. Elle résulte aussi de l’appui gouvernemental.

En effet, en 2002, le gouvernement fédéral du Nigeria a lancé une politique sectorielle du ciment qui a permis de substituer graduellement les importations en production locale, ce qui lui a permis selon les dires du président Buhari, d’économiser notamment plus de 2 milliards de dollars sur les importations annuelles de ciment depuis.

Le projet de raffinerie de pétrole va placer le Nigeria sur un « piédestal » industriel à la mesure de son gigantisme

Parmi les principaux pays producteurs de pétrole brut, le Nigeria brillait par son incapacité à raffiner sur son sol sa production de manière à servir les besoins de son économie. Les énormes files de véhicules devant les stations de service à Lagos, sont la caricature principale de cette incongruité économique.

Depuis plus de 2 ans, se construit dans les environs marécageux de Lagos (lekki Free Trade Zone), sur une superficie de 2500 ha la plus grande raffinerie de pétrole au monde. Un projet de 12 milliards de dollars US, qui requiert, compte tenu de son environnement, le coulage de 120.000 poteaux en béton d’environ 25 mètres de longueur selon le Financial Times. Cela donne une idée de l’ampleur.

A date, 4.5 milliards de dollars ont été mobilisés dans le cadre du financement du projet selon reuters qui rapportait des propos du Milliardaire. Ils proviennent notamment de prêts de la part de la Banque Mondiale (150 millions de dollars) ; de la Banque Africaine de développement (300 millions de dollars) et d’autres banques et partenaires privés qui au total mobilisent 3.15 milliards de dollars. 60% du financement total proviendra des « poches » de Dangoté lui-même.

L’objectif est de faire migrer le Nigeria de la position peu enviable d’importateur net de pétrole et produits raffinés à l’un des plus grands exportateurs à partir de 2020.

« C’est tout simplement insensé de continuer d’importer du pétrole raffiné alors que nous disposons de la matière première. Entre 2011 et 2012, le Nigeria a dépensé environ 30 milliards de dollars US en subvention pour les produits pétroliers et cela n’a rien changé de positif… », a récemment déclaré Aliko Dangoté, cité par Businesslive dans un forum à Johannesburg organisé par la Fondation Obama, en marge des festivités marquant le centième anniversaire de Nelson Mandela.

Une incongruité qui fait quand même le bonheur financier d’un certain nombre d’intermédiaires d’affaires qui jouissent depuis longtemps des subventions lucratives susmentionnées.

Cette nouvelle raffinerie de classe mondiale produira selon les prévisions, 650.000 de barils/j de pétrole raffiné ce qui serait supérieur à la production journalière d’Exxon Mobil qui est d’environ 500.000 barils/j aux Etats Unis. Il est attendu que cette raffinerie contribue à hauteur de 0.7% de la production mondiale de pétrole raffiné.

La raffinerie génèrera aussi 3 millions de tonnes d’engrais agricole afin de réduire l’exportation des emplois du Nigeria dit-il et couvrir 100% de la demande locale. Ces informations ont été fournies dans le cadre d’une recente interview d’Aliko Dangotè effectuèe par le Financial Times.

Il faut savoir que le projet intègre également une usine de production de gaz (une infrastructure de pipelines sous-marins d’environ 1.100 km) afin de fournir notamment la quantité requise pour la soudure de l’usine, ainsi que d’une centrale électrique de 480 mégawatts ce qui représente le dixième de la production d’électricité du pays. Il y a également la construction d’un port sur mesure et une jetée qui a entrainé un dragage de 65 millions de mètre cube de sable toujours selon une interview du milliardaire dans le financial times.

Dangote s’est associé à une entreprise chinoise pour assembler localement, les camions requis pour le transport de la production de l’usine. Autant dire que c’est un projet fou, à l’image du projet Simandou dans le secteur minier guinéen lequel couterait plus cher (environ 20 milliards de dollars US) La seule différence est que l’un se concrétise en quelques années (moins de 5 ans) et que l’autre traine depuis des dizaines d’années.

Le nombre d’emploi qui sera généré par ce projet une fois en opération est d’environ 250.000. Sur le plan macroéconomique, Aliko Dangoté prévoit que son projet va permettre de soulager les réserves de change de la Banque Centrale du Nigeria à hauteur de 15 milliards de dollars US.

C’est une fierté de voir l’Afrique en l’occurrence le Nigéria porter un tel projet qui est traditionnellement l’apanage des pays industrialisés. Il ne fait aucun doute que son opérationnalisation future permettra au Nigéria d’opérer un bon en avant de non-retour dans son développement économique. C’est en tous les cas tout le mal que l’on peut lui souhaiter.

Une audace politico-économique à répliquer ailleurs en Afrique et notamment en Guinée

Ce projet fera certainement jurisprudence dans l’histoire du développement économique de l’Afrique. Il doit inspirer les capitaines d’industrie et autres hommes d’affaires d’avoir l’audace de leurs ambitions. Il doit inspirer les gouvernements africains dans la compréhension de leur rôle de fournisseurs de service à leurs entrepreneurs et leurs citoyens, en leur apportant le soutien politique, légal, institutionnel requis pour en faire des géants.

C’est ainsi que des pays comme l’Inde sont parvenus à ravir aujourd’hui à la France la place de sixième économie mondiale. Il Ya 38 ans, l’inde ne disposait de réserves de change qu’à hauteur de 7 milliards de dollars d’après Dangoté. Ils ont travaillé pour que leur sort soit différent aujourd’hui avec des réserves d’environ 426 milliards de dollars soit 71% du PIB actuel du Nigeria par exemple selon nos calculs.

Pour connaitre le développement, un pays doit accepter de bâtir des champions économiques nationaux et leur permettre de prospérer notamment dans le développement de secteurs créateurs d’emplois et réducteurs des importations. Ce n’est qu’ainsi que nous gagnerons le pari du développement économique.

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