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Crise sociale : la proposition de sortie de crise d’un syndicaliste franco-guinéen

La Guinée est paralysée depuis quelques jours par un mouvement de revendications suite à l’augmentation du prix du carburant à la pompe. Le mouvement est réclamé par les organisations de la société civile et le syndicat. Ils sont  finalement rejoints par les partis politiques. Le pays est donc plongé  dans un blocage total entraînant une paralysie à tous les niveaux notamment dans les secteurs économiques, sociales…

Entre les revendications légitimes et les exigences budgétaires de l’Etat, comment y procéder pour le bien de tous, pour ne pas basculer dans un populisme exécrable? Une question que notre compatriote Mohamed Lamine Sylla, Secrétaire Général du Syndicat UNSA dans le Bas Rhin et membre de l’observatoire d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation (département 67 : Strasbourg et environs) tente de répondre.

Selon Mohamed Lamine Sylla, l’amélioration des conditions de vie des citoyens Guinéens doit  être l’une des priorités du gouvernement et cela passera incontestablement par la maîtrise du  coût de la vie : transports, prix des denrées alimentaires, loyers, salaires etc.

Dans analyse, M. Sylla a mentionné que les  revendications portant sur ces éléments sont légitimes et nécessitent  l’ouverture d’un dialogue social qui peut se manifester à la fois dans le secteur privé tout comme dans la fonction publique. «Les acteurs pouvant participer à ce type de dialogue sont identifiés en amont. Il s’agit du syndicat le patronat  et le gouvernement», a-t-il rappelé.

Dans la même logique, M. Sylla a fait comprendre que ce dialogue nécessaire et indispensable doit obéir à un certain nombre de formalisme pour être efficace et bénéfique pour le peuple. «Cependant, force est de constater que cette crise actuelle s’inscrit dans un contexte assez particulier rendant impossible l’effectivité d’un dialogue social  sincère et ouvert. De la multiplicité des acteurs en passant par la récupération des politiciens, il n’y a plus de places pour l’amélioration des conditions de vie. Du coup, on passe d’une revendication légitime à un populisme exécrable manigancé par des acteurs politiques dans l’optique d’une éventuelle déstabilisation gouvernementale. C’est la tendance actuelle dans le monde», a-t-il expliqué.

Poursuivant son analyse, le syndicaliste Sylla a rappelé que la France a payé le prix d’une telle pratique en 2016 avec la loi de travail (La loi El Khomri publiée en août 2016) et les ordonnances Macron de 2017. « A l’époque, les revendications légitimes ont été transformées par des combats dogmatiques, politiques et populistes sans impacts réels sur la vie des citoyens. Plusieurs mouvements sont nés : Nuits debout et autres …», a-t-il fait savoir.

D’après M. Sylla, les réformes ont été menées à bout dans ce pays malgré plusieurs jours de manifestations et rassemblements. C’est pourquoi, a-t-il dit, la Guinée ne doit donc pas sombrer dans ce genre de phénomène. «Pour sortir de cette crise,  les acteurs doivent absolument revoir leurs démarches respectives afin d’arrêter cette paralysie économique qui affectera considérablement le peuple de Guinée, unique débiteur des effets de cette crise», a-t-il lancé.

S’exprimant sur le projet de sortie de crise, M. Sylla s’est articulé sur trois aspects majeurs d’abord : «La multiplicité des acteurs  qui sont en face du gouvernement représente un véritable handicap pour le peuple de Guinée. La multiplicité remet en cause la neutralité politique des acteurs. Les revendications légitimes seront forcément affectées par les sensibilités politiques. Il est donc nécessaire de laisser uniquement les organisations syndicales représentatives menées ces négociations avec le gouvernement. Par conséquent, les autres structures doivent accepter de se fondre dans la masse comme tout citoyen sans aucune appartenance (associative, politique et autre …) en rejoignant chacun son  secteur d’activités. Les prémisses et la force des revendications viennent de là : Les syndicats assurent la défense collective et individuelle des intérêts des salariés, au niveau national et à l’échelle de l’entreprise».

Ensuite : «Adapter la revendication à la conjoncture économique, sociale et environnementale du pays en ouvrant d’autres couloirs de négociations : C’est une étape responsable, permettant à chacune des parties de revoir impérativement sa position en tenant compte de la réalité du pays . Pour cela, il faut un discours sincère et constructif. Le gouvernement doit faire preuve de transparence et de bonne foi dans la transmission des données aux partenaires sociaux. Les deux parties (Gouvernement et partenaires sociaux) doivent faire preuve de patriotisme et d’efficacité afin d’apporter une analyse objective de la demande et identifier à défaut d’autres points de revendications et de mobilisation de recettes.

En l’espèce, l’analyse du prix du carburant et sa courbe d’évolution sur ces trois dernières années dans la sous-région est primordiale. Ces données doivent être  interprétées en toute objectivité et permettront de justifier ou non cette hausse du prix du carburant. Le gouvernement doit faire des concessions en baissant des taxes directes sur certaines importations afin d’éviter la hausse des prix des denrées  alimentaires de première nécessité mais aussi mettre en place de véritables mesures d’accompagnement, des mesures efficaces et durables.

La finalité de cette opération permettra à chaque partie d’obtenir des avancées, c’est le sens même des négociations : une baisse du prix du carburant ou l’ouverture d’autres couloirs de négociations. L’amélioration des conditions de vie ne passe pas absolument par la baisse du prix du carburant mais plutôt par une meilleure organisation du coût de la vie, strictement encadré par un État fort et transparent».

En fin : «La définition de projets à court et à long termes  pour le renforcement d’un dialogue social en Guinée.

Il est plus qu’urgent de définir le cadre d’un dialogue social efficace et responsable en Guinée, c’est le défi actuel de toutes les grandes démocraties. L’Allemagne est un excellent exemple en la matière, elle a réussi à créer une culture du compromis qui  fonctionne excellemment bien. Elle est typiquement allemande.

La France a, avec « les ordonnances Macron » renforcé  le dialogue social à travers une série d’ordonnances intitulées :

–          Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective.

–          Ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

–          Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

–          Ordonnance portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective.

–          Ordonnance relative au compte professionnel de prévention.

–       

L’histoire de la Guinée  exige  à ce jour une réforme urgente de ce secteur. Dans les années 2000, les choix politiques du régime de l’époque ont été affectés (ou commandés) par les multiples mouvements revendicatifs. La construction d’un dialogue social typiquement guinéen passera par : l’organisation des états  généraux du dialogue social, l’enseignement du dialogue social, le renforcement de la capacité des élus syndicaux, la responsabilisation des managers (et représentants de pouvoirs publics)…»

Pour clore, Mohamed Lamine Sylla a déploré le fait que nos différents gouvernements ont très longtemps manqué de pédagogie et d’organisation cohérente pour créer une véritable politique de participation : «Le citoyen Guinéen doit participer au projet de société. Cela doit être un défi pour le nouveau Premier Ministre, Ibrahima Kassory Fofana», a-t-il déclaré.

 

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