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D’exciseuse à matrone, comment Bintou Camara milite aujourd’hui pour l’abandon de l’excision ?

Après plusieurs années de pratique de l’excision, Bintou Camara prend conscience de son danger pour la santé de la jeune fille et décide enfin de l’abandonner.

Bintou Camara, la soixantaine révolue est une matrone qui travaille désormais au centre de santé de Bangouya, une commune rurale située à 44 km de Kindia. Dès l’aube, elle se met sur pied, sert le petit-déjeuner à ses petits-fils, les prépare pour l’école et se rassure que tout est en ordre dans la maison avant de rallier le centre de santé. Bintou Camara, ancienne exciseuse, y passe le plus clair de son temps en aidant les femmes enceintes à accoucher.

Mais comment Bintou a-t-elle embrassé ce métier d’exciseuse ?

Dans un passé encore récent, la pratique de l’excision dans les sociétés africaines se justifiait par la volonté de la société d’exercer un contrôle sur les femmes. La croyance persistante à cette époque était nourrie par le fait qu’elle permettait de prévenir le désir sexuel pour empêcher les expériences sexuelles prénuptiales et ensuite les relations adultérines. Ainsi, ceci garantissait, dit-on, l’honneur de la famille et du mari. Dès lors, elle sonnait comme une norme sociale qu’il fallait perpétuer à tout point de vue. C’est pourquoi, Bintou Camara y avait été initiée par sa propre maman dès le bas âge.

« Dès mon jeune âge, j’ai commencé à accompagner ma maman à toutes les cérémonies d’excision auxquelles elle était invitée. Nous partions de village en village. C’est au fil de ces exercices que j’ai été initiée à sa pratique. À sa mort, j’ai repris le flambeau. C’était pour moi une fierté de poursuivre l’œuvre de ma maman, c’était en quelque sorte un héritage ».

Saa Momory KOUNDOUNO
Bintou Camara, ancienne exciseuse de Bangouya

Les habitants de Bangouya et ceux des villages environnants conféraient à Bintou Camara une très grande considération. À chaque cérémonie, Bintou Camara revenait chez elle, les mains pleines de présents comme : les poulets, le savon, le riz, mais jamais d’argent.

Et Bintou décida enfin de renoncer à son métier d’exciseuse

De 2018 à 2019, l’UNICEF a mis en œuvre à Bangouya, le projet du Comité national suisse pour l’UNICEF : « Construire des évidences innovantes pour accélérer le changement en matière de Mutilations Génitales Féminines ». Globalement, le projet visait le changement de comportement de la communauté bénéficiaire devant conduire à l’abandon de la pratique de l’excision. Ainsi, des séances de sensibilisation additionnées aux causeries éducatives et dialogues communautaires réguliers y ont été menées. Ce sont ces actions croisées qui ont permis à Bintou Camara de réaliser que son métier d’exciseuse, loin d’aider sa communauté, est en train de lui porter préjudice.

« C’est en toute méconnaissance des conséquences néfastes pour la santé des filles que j’exerçais ce métier. Mais avec l’intervention de l’UNICEF qui nous a expliqué les répercussions négatives sur la santé physique et psychologique de la jeune fille et de la loi en vigueur qui interdit sa pratique, j’ai décidé de l’abandonner ».

Saa Momory KOUNDOUNO
Bintou Camara, ancienne exciseuse de Bangouya.

Après le dépôt du couteau de l’excision, Bintou Camara s’est portée volontaire pour sensibiliser ses voisines sur la nécessité de l’abandon de cette pratique. Dans cet élan, elle ne manque pas d’occasions pour le faire et n’hésite pas à rappeler la loi « Au centre de santé où j’évolue actuellement en qualité de matrone, je sensibilise les femmes qui y viennent. Parfois, je leur dis que ce n’est plus pratiqué ici et que tout contrevenant sera dénoncé et les autorités agiront conformément à la loi ».

L’abandon de cette pratique par Bintou ne lui a pas fait perdre le respect dont sa communauté l’entourait, loin s’en faut. Aujourd’hui, elle est très impliquée par exemple dans la résolution des problèmes opposants les membres de la communauté dans laquelle elle vit.

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