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Dossier-Guinée : fraudes aux examens, réseaux, complicités, nouvelles méthodes, le système éducatif en proie à une crise de valeur

La fraude en milieu scolaire est un phénomène qui a décidemment la peau dure. Elle sévit surtout en fin d’année scolaire, précisément pendant les examens à grand tirage. Ainsi, en dépit des mesures anti-fraude prises chaque année par les autorités éducatives, les adeptes de cette pratique honteuse arrivent toujours à leur fin. Elèves-candidats, enseignants-examinateurs, parents d’élèves, membres du secrétariat de centre s’y adonnent, avec des buts différents.

 Le phénomène présente aujourd’hui divers visages. Au point que l’on assiste à une véritable crise de valeur aujourd’hui dans le secteur éducatif. Comme les années antérieures, certains candidats ont été rackettés par des professeurs chargés de surveiller les examens. Ils ont, pour ainsi dire, été contraints de débourser de l’argent pour obtenir de bonnes notes. Des notes qui, en réalité ne reflètent pas forcément la vraie valeur de ces candidats. Pour les enseignants-examinateurs, peu importe. Seul l’argent qu’ils empochent à cette occasion compte. La conscience professionnelle peut attendre parce qu’à leurs yeux, rien n’est au-dessus de l’argent. La période des examens est une traite, d’ailleurs une grande foire pour eux. Et la cherté de la vie n’est pas faite pour arranger les choses. Mais les examinateurs ne sont pas les seuls fautifs comme le dit l’adage, s’il y a corrompu, c’est qu’il y a corrupteur.    

Les élèves prédisposés à la fraude

Le constat aujourd’hui, c’est que les candidats aux examens sont prédisposés à la fraude. Du moins pour certains d’entre eux. Tricher est pour eux une forme de solidarité et d’entraide. Plutôt que de prendre le temps d’étudier et de bien préparer leurs examens, nombreux sont des candidats qui optent pour la voie de la facilité. Evidemment, avec le concours d’autres acteurs du système, notamment les examinateurs. Même s’il est vrai que les téléphones portables, les tablettes et autres outils de communication sont interdits, les fraudeurs ont plus d’un tour dans leurs sacs. Avec l’œil complice des surveillants complaisants qui laissent faire, les candidats communiquent entre eux, quand ils ne s’échangent pas carrément les brouillons. En contrepartie, les candidats lèvent une cotisation, qu’ils versent aux surveillants pour « la franche collaboration »

Les parents d’élèves complices…

Pour bon nombres d’observateurs du système éducatif guinéen, les parents d’élèves sont à l’origine de la fraude en milieu scolaire. Ils font souvent preuve d’un manque de rigueur. « Trop soucieux » de l’avenir de leurs enfants, ils n’hésitent pas à « les aider à progresser » dans les études. Pour cela, ils sont prêts à débourser de l’argent pour « acheter » le BEPC ou le BAC de leurs enfants. L’essentiel pour eux, c’est le diplôme, même si l’enfant n’a pas le niveau. Le plus important, c’est qu’ils avancent. Par ailleurs, avec les cours à domicile ou les révisions en groupe tard la nuit, dans les établissements scolaires, les parents d’élèves achètent la conscience des enseignants, en les rendant esclaves de l’argent et de leurs enfants. Bien souvent, ce sont les enseignants des enfants à l’école qui leur donnent encore les cours à la maison où les cours de révision. Ce sont eux les répétiteurs. Les devoirs à donner en classe sont traités avec l’élève à la maison. A cela s’ajoutent les cours de renforcement auxquels les parents inscrivent leurs enfants. A ces cours payants, les devoirs à donner en classe sont mis à disposition de ceux qui y prennent part. Autant d’éléments qui favorisent le phénomène de fraude.

Les nouvelles formules de tricherie qu’il faut craindre  

Les examens ont démarré depuis le 4 juillet dernier par l’Entrée en 7ème année. Le ministère de l’Education Nationale est à pied d’œuvre pour le bon déroulement et assurer la sécurisation de ces examens scolaires et freiner la fraude. Pendant ce temps, d’un autre côté, des individus de mauvaise moralité s’activent pour trouver la faille devant leur permettre de passer les barrières de sécurité mise en place.

Pour ce faire, ils peaufinent leurs anciennes stratégies, réfléchissent à de nouvelles tactiques. Il s’agit entre autres, selon les initiés, de l’utilisation des téléphones portables intelligents, très minuscules, les papiers mouchoirs, les stylos espions pour tromper la vigilance des examinateurs.

En effet, à en croire Ibrahima Sory Bangoura, un enseignant, la plupart des stratégies de fraudes employés aux examens scolaires sont connues. C’est pourquoi il importe d’innover, a-t-il poursuivi.

«il y a des téléphones portables qui ne sont plus volumineux et qui ont la dimension d’une boîte d’allumettes. Avec cet appareil, les tricheurs photographient ou copient leurs cours. Et peuvent les glisser dans leurs dessous ou dans leurs chaussures pour éviter de se faire prendre par les surveillants postés à l’entrée des sites de composition », révèle-t-il. Il a détaillé aussi la technique des papiers mouchoirs qui consiste, selon lui, à y recopier certaines définitions ou formules mathématiques pour s’en servir au besoin. « C’est difficile d’attraper ces gens-là, puisqu’on ne peut pas s’imaginer qu’une personne qui est en train d’essuyer la sueur sur son visage, est en réalité en train de tricher », fait observer notre interlocuteur, avant de révéler ce qu’il qualifie de révolution, à savoir l’utilisation des stylos espions. Notre source qui s’y connait bien, décrit le stylo espion comme un instrument d’écriture doté de camera, qui permet de faire des photographies et des enregistrements vidéo. « Quitte à être exploité par leurs détenteurs de manière à ne pas se faire prendre », révèle-t-il.

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Séances de révision nocturnes dans les écoles ou préparation à la fraude ?

Courant 2011, à peine nommé à la tête du département de l’Enseignement Pré-Universitaire, le ministre Ibrahima Kourouma avait pris la décision d’interdire les séances de révision nocturnes organisées par les enseignants dans les écoles sous forme d’internat.

Pour l’ex-ministre de l’Enseignement Pré-Université, ces séances de révisions n’étaient autres que les regroupements des élèves pour soit arnaquer les parents d’élèves, préparer la fraude ou parfois livrer les jeunes à la débauche. Trois ans après son départ, le phénomène d’internats improvisés la veille des examens refait surface.

Depuis le mois de juin, les écoles de la capitale et celles de l’intérieur sont pris d’assaut par les élèves-candidats et les enseignants qui y ont installé des dortoirs et des salles de révision. Ces cours dit de rattrapage ne sont pas gratuits. Ils se négocient autour de 150.000 francs guinéens par candidat voir plus, selon les localités et les écoles. Ainsi, chaque soir les élèves munis d’un matelas, des bouteilles d’eau, des boites de conserve et autres plats préparés pour la circonstance… Ces séances de révision ne s’effectuent uniquement que les nuits. Les élèves, filles comme garçons passent la nuit à « réviser les cours ». Ils ne retournent à leurs domiciles que le matin.

A l’école Federico Mayor, au quartier Sandervallia, dans la commune de Kaloum où nous nous sommes rendus le 3 juillet dernier, c’était une foule d’élèves que nous avons eue à rencontrer. L’établissement grouillait de monde : enseignants, élèves et autres vautours rôdaient dans la cour. Qui pour proposer des sujets susceptibles d’être choisis lors des examens, qui pour donner des cours de renforcement. « Nous sommes là pour aider les candidats aux examens à revoir leurs cours. Nous donnons des cours de soutien pour qu’ils abordent avec aisance les épreuves », lâche Camara A, professeur de mathématique, quand un autre enseignant nous apprend que l’argent payés par les candidats leur permet d’avoir des brochures et autres supports. « L’argent que les élèves payent, c’est pour les brochures. Ce n’est pas pour acheter les sujets… Nous dispensons ici des cours de soutien pour qu’ils soient prêts à affronter les épreuves », précise-t-il.

Quant aux candidats interrogés, ils sont tous unanimes que les séances de révision leur permettent d’aborder les épreuves et sans doute tomber sur des sujets.  « Nous participons aux séances de révision pour être dans le bain… Vous savez, tout est possible ici… On peut avoir des sujets avec les enfants des personnalités ! Et dans ce cas, les professeurs nous aident à les traiter et ensuite on apprend le traité par cœur avant le jour J », nous apprend Mamadi Sakho, élève de la terminale sciences expérimentales.

Au ministère de l’Education Nationale, plus précisément à la direction des Services Examens et Concours, les dispositions sont prises pour barrer la route à la fraude. Les responsables de ce service croient, dur comme fer, qu’il y ait fuite cette année.

« Nous avons pris toutes les dispositions cette fois-ci. Il n’y aura pas de fuite. Les élèves-candidats seront fouillés avant d’avoir accès aux salles. Pas de téléphones ni un appareil quelconque. Les surveillants sont préparés et conditionnés pour mener à bien leur mission. Nous profitons pour demander aux parents d’élèves de ne pas venir « assiéger » les centres d’examen. Qu’ils laissent les enfants composer en toute quiétude ! C’est un examen. Si l’enfant a bien étudié au cours de l’année scolaire, il pourra s’en sortir…Tout est prêt pour le bon déroulement des examens scolaires », nous rassure, un cadre proche de la Direction des Services et Examens qui a accepté de se prêter à nos questions, mais dans l’anonymat.       

 

Dossier réalisé par Louis Célestin

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