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Dossier – Primature : « Gouverner autrement, Alpha Condé et Kassory Fofana misent sur la MAMRI »

Le gouvernement guinéen dans le but de combattre la pauvreté et procéder à la mobilisation des ressources intérieures, en vue de  leur répartition équitable, a créé plusieurs entités. Notamment, le fonds national de développement local (FNDL) et l’agence de financement des collectivités (ANAFIC)pour 402 milliards GNF, le registre social unifié (RSU) pour 50,66 milliards GNF, le fonds de développement des communes de Conakry (FODECCON) pour 375 milliards GN,l’agence nationale pour l’inclusion économique et sociale (ANIES) 130 milliards GNF et la mission d’appui à la mobilisation des ressources Internes (MAMRI), 25 milliards GNF, FEC pour 126,54 milliards GNF, selon le budget révisé de 2020.

À l’ère du « gouverner autrement » annoncé par le Président de la République lors de son discours d’investiture, Guineenews© a décidé de s’intéresser de plus près à la MAMRI pour mieux comprendre ses objectifs et son fonctionnement. Elle est l’une des créations de la Primature, ne bénéficiant certes pas de budget d’affectation spéciale mais qui obtient toutefois des inscriptions budgétaires pour la réalisation ses activités. De quoi nourrir les soupçons, dans un pays où l’argent public sert plus à engraisser l’élite qu’à pourvoir aux besoins des pauvres populations.

Pour porter le ratio recettes intérieures/PIB (produit intérieur brut) à 20% d’ici trois ans, l’exécutif guinéen fait monter en puissance la Mission d’Appui à la Mobilisation des Ressources Internes (MAMRI). Cette structure récente, qui fait de plus en plus parler d’elle, vise, selon le discours officiel, à appuyer et accélérer toutes les initiatives de modernisation des administrations économiques et financières pour accroître significativement la perception des recettes fiscales en Guinée.

Une mobilisation des ressources internes peu satisfaisante, en dépit d’un potentiel de mobilisation des recettes intérieures largement sous-exploité  

En dépit des discours officiels, notamment au ministère du budget, la mobilisation des ressources internes est décevante en Guinée. En 2020, les recettes publiques (impôts, douanes et trésor public) ont représenté à peine 13% du PIB. Ce ratio est inférieur de 2 points au niveau de 15% de PIB considéré par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) comme un minimum pour qu’un État puisse financer ses missions de base. Plus grave encore, le niveau des recettes internes en Guinée est inférieur de 7 points au niveau recommandé par la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement (20%). Il est beaucoup plus faible que la moyenne de la sous-région sub-saharienne, qui est de 18%.

Alors que le PIB de la Guinée a connu une croissance significative et continue ces dernières années (encore 5,2 % en 2020 malgré la pandémie de la Covid-19), les recettes rentrent mal et ce quelles que soient la nature de celles-ci ou de l’administration en charge de leur recouvrement. À titre d’illustration, la Banque mondiale a récemment estimé que le potentiel additionnel de collecte de la seule taxe sur la valeur ajoutée (TVA) était d’au minimum 5 points de PIB…

Les causes de cette mauvaise performance de la mobilisation des ressources internes ne sont pas à rechercher dans la qualité de la législation fiscale, même s’il est toujours possible de l’améliorer. Selon un expert international qui a requis l’anonymat, le problème se trouve plutôt au niveau de l’application des textes et la faible maîtrise du tissu fiscal : en clair, trop peu d’entreprises et de particuliers paient au Trésor public les impôts, taxes ou redevances qu’ils devraient normalement acquitter. Sans compter l’indélicatesse des cadres corrompus dans les administrations concernées.

La « révolution fiscale » promise par le Premier ministre Kassory, selon un cadre

Dans son discours de politique générale en juin 2018 devant l’assemblée nationale, Ibrahima Kassory Fofana, nouvellement nommé Premier ministre, avait promis une « véritable révolution fiscale » aux Guinéens. Pour lui, l’objectif est clair : « il s’agit de porter d’ici trois ans le niveau des recettes intérieures à 20 points du PIB minimum et de promouvoir en parallèle la bonne dépense. L’enjeu est de parvenir à financer dans la durée les infrastructures et les services publics de base dont les Guinéens ont besoin, tout en réduisant la dépendance aux dons extérieurs et en limitant le recours à l’endettement public. »

Les nouvelles marges de manœuvre budgétaires ainsi dégagées doivent, selon le Premier ministre, particulièrement profiter aux populations les plus vulnérables avec notamment les activités de soutien mises en œuvre par l’ANIES.

En ce début de nouvelle mandature, dans la foulée des grandes orientations fixées par Alpha Condé pour « gouverner autrement », selon nos infos, Kassory entend tout à la fois moderniser le cadre de gouvernance économique et financière de la Guinée, transformer les administrations fiscales et autres régies financières publiques en administrations de service, donner un grand coup d’accélérateur à l’élargissement de l’assiette fiscale et conduire un combat déterminé contre la fraude et l’évasion fiscales et contre la corruption. « Autant de chantiers incontournables pour créer un environnement favorable au développement du secteur privé guinéen, améliorer le civisme fiscal chez les entreprises et les particuliers et générer en retour une meilleure collecte des recettes publiques », dit un haut cadre guineen à Guineenews©.

Après 10 ans de gouvernance, l’opinion demande encore à voir les résultats de la MAMRI. Malgré la bonne volonté affichée par le Président de la République et son Premier ministre, certains experts saluent l’initiative mais émettent  en même temps des doutes sur la capacité du pouvoir actuel à aller au bout de cette réforme MAMRI.

Une équipe de techniciens de haut niveau

En toute objectivité, votre quotidien électronique Guineenews© et selon l’avis des experts qu’il a interrogés doit constater que la Primature guinéenne a fait les choses dans l’ordre. La quasi-totalité des cadres ont été recrutés par appels à candidatures. Même les nominations effectuées par décret ont été précédées par l’ouverture à la concurrence des postes concernés. Puis, selon nos informations, trois noms ont été proposés au président de la République pour chacun des postes.

Ainsi, pour ces experts, « la plupart des directeurs de projet ont des niveaux enviables : Mamadou Bombi Baldé, le directeur de projet ressources fiscales, était anciennement directeur juridique et fiscal du groupe guinéen SONOCO. Aboubacar Fodé Keita, le directeur de projet maîtrise des exonérations, qui suit en particulier les cadeaux fiscaux accordés aux entreprises minières, était en poste dans l’administration fiscale du Québec (Canada). Kémoko Camara, chef de projet PMO, a été débauché chez Axa, le leader européen de l’assurance. Aissata Kourouma a été débauchée chez l’un des leaders mondiaux de l’audit et du conseil, Deloitte Canada. Djénabou Diallo, fiscaliste experte, vient d’un cabinet de la place. René Fassou Moriba et Mohamed Lamine Touré, en charge des aspects digitalisation, viennent respectivement de Rio Tinto et du cabinet Ernst & Young France. Niamey Diabaté et Mamadou Bah sont issus de l’inspection d’État et de la Banque centrale. »

 Les grands chantiers de la MAMRI

Plusieurs chantiers stratégiques sont à l’agenda de la MAMRI en 2021, selon les informations recueillies par Guineenews©.

L’année 2021 démarre par une évaluation de l’Administration fiscale guinéenne ou TADAT a été lancée le 4 janvier 2021. En préparation depuis plusieurs mois, cette évaluation de l’administration fiscale guinéenne, appelée Tax Administration Diagnostic Assessment Tool ou « TADAT », est conduite par la MAMRI avec un pool de bailleurs. La Primature a réussi à mobiliser le FMI (fonds monétaire international), la BAD (banque africaine de développement), la Banque mondiale, l’Union européenne et Expertise France.

Dans les couloirs de la direction nationale des impôts (DNI), ce « bilan de santé » angoisse la hiérarchie, apprend-on. Mais Ansoumane Camara, le conseiller spécial du Premier ministre chargé de l’économie, des finances et du budget, par ailleurs coordinateur général de la MAMRI, rassure : « cette démarche de TADAT est une évaluation standardisée, normée et objective, qui apprécie les atouts et faiblesses d’une administration fiscale ».

Autre grand chantier, la digitalisation des administrations économiques et financières. Selon les documents que nous avons consultés, un appel d’offres international est en cours pour définir un plan directeur informatique pour les administrations économiques et financières guinéennes. Selon la Primature, cette feuille de route digitale permettra d’identifier de manière précise les potentiels d’accroissement des ressources internes à travers une digitalisation des administrations fiscales et des régies financières et proposera des solutions logicielles pour la mise en œuvre. Un accord avec les Emirats Arabes Unis permettra de financer le déploiement de ce chantier.

D’autres chantiers sont également en cours, pour l’optimisation des politiques financières de l’État (réduction des subventions budgétaires au secteur de l’énergie et maitrise de l’endettement public), la définition d’un modèle technique d’administration fiscale, l’amélioration des recettes fiscales minières et enfin l’établissement d’un système de finances locales en Guinée.

Kémoko Camara, en charge de PMO ou la gouvernance du projet MAMRI précise que « l’ensemble de ces chantiers sont censés se dérouler entre janvier et juin 2021. Tous les éléments seront alors réunis pour l’élaboration d’une Stratégie nationale de mobilisation des ressources internes. »

Pour les autorités guinéennes, la MAMRI pourrait devenir un vecteur central de la gouvernance économique et financière de la Guinée

La MAMRI est en premier lieu une instance décisionnelle gouvernementale dédiée à la mobilisation des recettes intérieures : « à ce titre, un Comité de Pilotage présidé par le Premier Ministre et impliquant les principaux ministres concernés (Economie et Finances, Budget, Plan et Développement économique, Mines et géologie…) va impulser, valider et piloter au plus haut niveau les réformes nécessaires dans ce domaine », nous précise-t-on.

« Elle est ensuite et en même temps un mécanisme de coordination entre les différentes administrations car la plupart des problématiques à traiter pour la mobilisation des recettes intérieures dépassent le champ des attributions de tel ou tel ministère, de telle ou telle direction centrale ou régie financière. Il en est ainsi par exemple de l’élargissement de l’assiette fiscale, de la lutte contre la fraude, de la maîtrise des dépenses fiscales, du recouvrement des arriérés fiscaux, de la digitalisation des processus, de la motivation des agents publics… Le Cadre de Dialogue et de Concertation prévu dans le cadre de la MAMRI comprend entres autres des points focaux dans les principaux ministères concernés (nommés par leur chef de département) ainsi que les directeurs des grandes régies financières de l’Etat (Impôts, Douane, Trésor notamment) », note-t-on.

Enfin, la MAMRI est une structure technique d’appui à la dynamique de réforme, directement rattachée. Placée sous la responsabilité d’un Coordinateur général, Ansoumane Camara, par ailleurs Conseiller spécial du Premier Ministre pour l’Economie, les Finances et le Budget, cette administration de mission pourrait devenir la cheville ouvrière de la préparation des dossiers à soumettre au Comité de Pilotage puis du suivi continu de la mise en œuvre des réformes économiques et financières.

Des partenaires techniques et financiers pleinement mobilisés pour accompagner le dispositif MAMRI

Les partenaires internationaux de la Guinée sont d’ores et déjà à pied d’œuvre pour contribuer à concrétiser, dans le cadre de la MAMRI, les ambitions du gouvernement en matière de mobilisation des recettes intérieures.

« Par exemple, précise un cade, Expertise France a accompagné, sur financement de l’Agence Française de Développement (AFD), l’organisation du dispositif MAMRI et le démarrage des activités, entre autres la réalisation de l’étude sur le système de financement des collectivités locales. Le FMI, l’Union Européenne, la Banque Mondiale, la Banque Africaine de développement et Expertise France appuient l’évaluation TADAT. La Banque Africaine de Développement (BAD) financera les évolutions à venir du modèle technique d’administration des recettes ainsi que l’implémentation du futur schéma directeur de modernisation digitale. Les Emirats Arabes Unis apporteront leur contribution financière au chantier de la digitalisation. Par ailleurs, l’Agence Française de Développement, Expertise France et l’Union Européenne ont exprimé leur volonté d’intensifier leur contribution au travers du financement de nouveaux projets à conduire dans le cadre MAMRI », rassure ce haut cadre.

De ce fait, la MAMRI constitue une opportunité pour les partenaires internationaux de la Guinée. Le dispositif va apporter une impulsion et un soutien politiques renforcés aux projets actuellement appuyés par ces partenaires. Il va générer une nouvelle et ambitieuse génération de réformes dans laquelle ces partenaires pourront s’inscrire de façon cohérente et complémentaire. Il offre un cadre de gouvernance interministériel et inter-administrations permettant de sécuriser la réussite de ces réformes et par là même de garantir la pertinence, l’efficacité, l’efficience et la durabilité des futurs appuis financiers et techniques qui seront déployés par les partenaires.

Alors, la MAMRI, « révolution » ou illusion fiscale ?

De l’avis général des experts, la MAMRI est, en soi, une belle initiative. La qualité de son personnel et le carnet d’adresses international de la Primature sont à l’évidence des atouts, pour concevoir les chantiers et obtenir le soutien des meilleurs partenaires internationaux. Il faut aussi noter la vitesse avec laquelle a été capable de lancer des chantiers aussi importants.

La grande inconnue demeure cependant les marges de manœuvre dont disposera la structure pour mener à leur terme les réformes envisagées. Un consultant international qui a appuyé pendant longtemps dans l’administration fiscale guinéenne se demande quelles marges seront laissées à la MAMRI « quand on sait par exemple que les responsables actuels de la DNI sont des purs produits de la même gouvernance ? »

Seul l’avenir proche nous édifiera. Pour un autre haut cadre d’une grande institution internationale basée à Washington, « la prochaine composition du gouvernement sera un indicateur ou non de la volonté réelle du gouvernement guinéen de gouverner autrement. On pourra également y déceler des signes quant aux chances de succès de la MAMRI. »

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