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Guinée : Corps de contrôle et réformes de l’Etat – Naissance d’une expression magique

Dans le monde, les réformes administratives sont aussi vieilles que la révolution française car amorcées depuis 1789. Même si l’expression « Réforme de l’État » ne s’est imposée que dans les années 1990 et que, dans les faits, toutes les réformes n’ont pas eu les mêmes impacts sur l’administration en général, et les corps de contrôle en particulier.

Au fil du temps, plusieurs motifs pouvaient justifier ses réformes : Aux Etats Unis et en Grande Bretagne c’est la nouvelle doctrine du New Public Management (NPM) et d’inspiration Anglo-Saxonne, en Europe c’est la mise en place des Institutions Européennes ou simplement la ferme volonté des États de moderniser et d’améliorer considérablement les relations entre l’administration et les usagers des services publics tout en renforçant leur efficacité.

Sans rentrer dans les débats qui opposent les causes sociologiques de ces réformes aux causes politiques, nous pouvons les classer en onze (11) grandes catégories sur la période 1960-2017. Il s’agit de la Rationalisation des choix budgétaires (RCB) dans les années 1960, la création de droits des administrés dans les années 1970, la politique de décentralisation au début des années 1980, les programmes du « Renouveau du Service Public » à la fin des années 1980, la réforme de l’État dans les années 1990, les Lois organiquesrelatives aux lois de Finances (LOLF) au début des années 2000, la révision générale des politiques publiques (RGPP) à la fin des années 2000, l’Acte II de la décentralisation à partir de l’année 2003, la modernisation de l’action publique (MAP) en 2012, la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) en 2014 et la Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) en 2015.

La LOLF comme gage de réussite et d’efficacité des politiques publiques ?

De toutes ces réformes, c’est la Loi relative aux lois de finance (LOLF) qui a le plus impacté les corps de contrôle.

En France, c’est une loi organique d’initiative parlementaire, une réforme de haut niveau, très fortement portée politiquement, votée à l’unanimité à l’Assemblée Nationale et au Sénat avec le soutien de l’exécutif (à l’époque cohabitation : J. Chirac, L. Jospin). La LOLF y a d’ailleurs été mise dans le bloc de constitutionnalité.

En effet, depuis les années 2000, à travers la LOLF, certains pays comme la France ont amorcé un mouvement de réforme qui a redéfini tous les contrôles comptables, budgétaires, administratifs, économiques et financiers dans l’administration. Cette nouvelle loi organique, qui succède à l’ordonnance portant loi organique relative aux LF du 2 janvier 1959, est une vraie innovation, et a permis de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats dans l’utilisation et la gestion des ressources publiques. C’est comme si l’administration, sous l’impulsion du Parlement, avait signé un nouveau contrat social pour la gestion des finances publiques.

La LOLF a favorisé le recours systématique aux expertises des corps de contrôle dans plusieurs domaines de l’Etat.

A travers la LOLF, les acteurs politiques ont voulu inscrire l’objectif de recherche de performance comme gage de réussite et d’efficacité des politiques publiques.

En outre, la LOLF a impulsé une dynamique de réformes comptables, administratives et financières et des systèmes de contrôle dans l’administration.

C’est pourquoi, après la LOLF, de nouvelles formes de contrôles plus axées sur l’audit (RGPP) et l’évaluation des politiques publiques (MAP) sont révélées ou ont pris une plus grande ampleur.

Face aux réformes, les corps de contrôle se métamorphosent

Donc, les contrôles traditionnels, qui se résumaient au contrôle sur pièces (contrôle a priori) et au contrôle sur place (contrôle a posteriori) se sont métamorphosés pour faire face à de nouvelles missions.

Enfin, il est évident que les systèmes de contrôle traditionnels ne pouvaient pas rester en marge de toute cette vague de réforme administrative impulsée par les acteurs politiques car l’organisation du contrôle des finances publiques traduit l’organisation du pouvoir politique.

En France, dans le domaine du contrôle interne dans l’administration, trois acteurs majeurs étaient au centre de ces contrôles dits traditionnels : le contrôleur financier, l’inspection générale des finances (IGF) et le Contrôle d’Etat (en France c’est le contrôle général économique et financierou CGEFi).

Si le premier a vu son rôle fusionné avec celui des comptables ministériels pour devenir Comptable budgétaire comptable ministériel (CBCM), les deux autres existent encore avec des missions assez proches et quelques différences fondamentales.

En effet, l’IGF, appelée Inspection des Finances dans certains pays, est un corps d’inspection, de vérification et d’audit à compétence très large, qui a été créé il y a plus de deux cents ans et qui reste le plus prestigieux des corps de ce type. En France, très élitiste, l’inspection générale des finances recrute des jeunes diplômés à la sortie de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) et une faible proportion d’autres cadres après dix ans de service. Ils sont encadrés par quelques inspecteurs généraux qui ont fait des carrières importantes avant de reprendre ces fonctions. À l’origine, l’IGF faisait le contrôle de la comptabilité publique, luttait contre la fraude, réalisait des audits. On peut dire l’IGF est un vivier de hauts dirigeants et que ses rapports sont à la source de toutes les grandes réformes de l’administration française.

Le contrôle d’Etat (CGEFi en France) est plus récent (années cinquante), même si d’autres antécédents existaient dès les années 30. Il est né de la fusion de des corps d’inspection et de contrôle de plusieurs départements. C’est un corps de fin de carrière pour des fonctionnaires des finances qui n’ont pas accédé aux grades de la hiérarchie. Il regroupe des fonctions disparates : le contrôle financier devenu contrôle budgétaire comptable ministériel (CBCM), les contrôles sectoriels de certaines “agences de l’État”, et entreprises publiques (missions de contrôle économique et financier), exercés par des agents installés à demeure dans ces entreprises, et, il faut le dire, peu considérés par les Agence des participations des États.

Les contrôleurs d’Etat sont affectés en permanence sur une fonction.

À travers l’IGF et le contrôle d’Etat, les corps de contrôle ont vu leurs missions être étendues par les pouvoirs publics pour passer du contrôle et inspection au sens strict vers de nouvelles missions axées sur les études, les audits, les évaluations des politiques publiques et les conseils aux administrations.

Les corps de contrôle sont, pour garantir leur efficacité et surtout leur crédibilité, obligés de s’adapter aux nouvelles orientations et réformes de l’administration.

Dans la mesure où leurs objectifs sont les mêmes, à savoir la gestion efficiente des ressources publiques, les évolutions des corps de contrôle vont donc de pair avec celles de l’administration.

Les corps de contrôle et la LOLF

Pour la confrontation de ces deux objectifs (recherche de la performance et l’optimisation des ressources), la LOLF a introduit un véritable changement culturel dans le contrôle des finances publiques et a facilité la transparence financière dans l’administration.

Il était donc nécessaire que les corps de contrôle évoluent pour s’adapter au nouveau cadre de gestion des finances publiques crée par la LOLF qui constitue à ce titre un des plus puissants moteurs de la réforme de l’état.

La LOLF a encouragé l’évaluation systématique des politiques publiques et elle est à la base des audits de modernisation de l’administration qui ont donné naissance à quelques programmes de réforme comme la RGPP ou la MAP. Les corps de contrôle ont participé à ces missions d’audit. D’ailleurs, le Comité interministériel d’audits de programmes (CIAP), qui a pour but de vérifier le respect de la LOLF en termes de structuration des programmes et du choix des objectifs et indicateurs, est composé majoritairement des inspecteurs des finances.

Mémé si juridiquement, dans pratiquement tous les pays du monde c’est le Parlement qui est responsable de l’évaluation des politiques publiques, les corps de contrôle ne sont pas restés en marge de cette réforme. Ainsi, au-delà du Parlement, la LOLF a accentué les besoins des administrationsen matière d’audit et d’évaluation.

Les comptables publics et les ordonnateurs de dépenses publiques, véritables acteurs de l’exécution des dépenses publiques depuis la LOLF, sont toujours contrôlés par l’IGF.  Les contrôles financiers et comptables étant exercés par les CBCM.

Changer les pratiques pour réussir les réformes

Les rapports des corps de contrôle sont les précurseurs des grandes réformes dans l’administration. Ils sont utilisés pour évaluer l’efficacité et l’impact des réformes sur certaines politiques publiques. Le degré d’implication des corps de contrôle dans l’Administration se justifie par l’importance qu’accordent les responsables politiques à la qualité des ressources humaines dans la conduite des politiques de réforme.

Enfin, malgré toutes les avancées, quelques pistes d’améliorations dans le cadre des réformes de l’Etat peuvent être dégagées. Ces pistes concernent aussi bien les corps de contrôle que les autres acteurs impliqués dans le processus. Pour les uns, c’est pour améliorer les services publics et pour les autres c’est pour améliorer le contrôle et l’évaluation des politiques publiques.

Pour la réussite de toute réforme, il faut impliquer tous les acteurs concernés et veiller à l’adaptation de la méthode retenue et à la possibilité d’évaluer les impacts humains et financiers. Ces travaux d’évaluation peuvent être confiés aux corps de contrôle qui ont les ressources humaines nécessaires pour y arriver.  

Il faudra sans doute garantir que tout transfert de charge induit par une réforme soit suivi d’un transfert de ressources.

En outre, il faut donc renforcer la mise en place des commissions de suivi et d’évaluation des réformes. Les corps de contrôle peuvent jouer un grand rôle dans ces commissions car ils demeurent les meilleurs atouts de l’Etat pour la modernisation et l’évaluation des services publics.

En ce qui concerne les corps de contrôle, ils peuvent être plus efficaces en rapprochant les missions d’interventions à la demande comme l’évaluation, l’audit, l’inspection, l’étude et le conseil.

Une contribution spéciale de Kerfala Sylla, inspecteur financier à la Banque centrale de la République de Guinée, à Conakry pour Guinéenews©.

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