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Guinée : du 25 août 1958 au 27 août 1977, l‘illusion n’avait duré que 2 jours…

Un jour, pour me chambrer devant une assistance nombreuse et enjouée, Pathé Diallo, mon grand et illustre ami, fit les citations de De Gaulle et de Sékou Touré du 25 août 1958, textuellement. Il ajouta que Sékou Touré avait dit que si les conséquences (du NON) sont guinéennes, elles sont aussi françaises.  On était tous unanimes à le féliciter pour sa mémoire. Il dit ensuite : « Les Moïse n’ont pas eu cette opportunité historique ». Je lui dit: «parce que toi, tu étais présent, sur les lieux ? »_ « Oui ! Oui ! : J’étais assis sur l’escalier »…

L’histoire de ce pays est belle, en dépit des vicissitudes. De la fierté du « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage » du 25 août 1958 à l’acrimonie 27 août 1977, il n’y a qu’un pas, parce que tout est lié.

Le NON de 1958 a été une leçon pour le monde entier. Non seulement il avait fait basculer tout l’empire colonial français en Afrique et avait suscité le réveil des peuples colonisés, mais aussi et surtout, il a réveillé les Guinéens, qui sont, soit dit en passant, souvent longs à se réveiller, mais quand ils se réveillent…

Pour revenir sur le 27 août 1977, les femmes de Guinée s’étaient réveillées, comme la Guinée s’était réveillée devant le général De Gaulle. Cette révolte des femmes n’était que la conséquence de la politique panafricaniste de Sékou Touré. Même l’hymne national est plus panafricaniste que nationaliste.

Quand, en 1966, on avait entendu la chanson « C’est nous, les Guinéens, qui avons choisi la liberté, la liberté, en votant le 28 septembre … », on s’était dit que c’était le vrai hymne de la Guinée.

En mettant bout à bout les péripéties des faits et évènements, on dira que depuis l’agression du 22 novembre 1970, la Guinée était dans une métastabilité qui ne disait pas turbulence, mais c’était tout comme. Il y avait une purge qui visait les intellectuels et cadres militaires. Depuis que Barry-3 avait dit que le Secrétaire général du PDG ne doit être le président de la République, que c’était cumul de fonction, pour le dédire et le contrer, la Révolution prit son envol irrésistible. Sékou Touré fut à la fois Secrétaire général du PDG, président de la République, Responsable suprême de la révolution, commandant en chef des forces armées populaires et révolutionnaire, on en oublie…, la confiscation politique, pour ne pas dire dictature commença et le 2 août 1968, peu après mai 1968 en France (on dit que Aléledjo, y était avec les Cohn-Bendit), Sékou Touré a été attaqué par Tidiane Kéita devant Kenneth Kaunda, au carrefour Constantin, puis ce fut la rébellion des parachutistes du camp de Labé, qui ont largué Mamadou Boiro, puis le complot Kaman-Fodéba, puis l’agression du 22 novembre 1970 et la purge jusqu’au « complot peul », puis la révolte des femmes du 27 août 1977.

Ici, on aimerait dire aux animateurs culturels guinéens un fait : peu avant la série de pendaison du 25 janvier 1971, les lycéens et universitaires de Conakry avaient été convoqués à la permanence fédérale de Conakry 2 pour un meeting d’information et de sensibilisation pour les préparer à ce qui allait se faire le 26 janvier.

A l’animation, Miriam Makeba, qui chanta pour la première fois « Yanfantè et Djigui ». Miriam était à deux mètres du spectateur privilégié et était interrompue à intervalles par des ovations, cris et applaudissements spontanés.  Ce qui avait inspiré Boubacar Kanté. Quand il voulait enregistrer les ‘’dix ans de succès du Bembeya Jazz National’’, c’est au « Parking » du 2 août qu’il était venu, avec Legrow et Asken Kaba, chercher le public qui a vociféré dans cet album. Cette fois, les cris et ovations étaient guidés…   Première happe-stance.

En 1975, le monde était en pleine bipolarisation, la guerre froide était ‘’chaude-chaude’’, les deux blocs se faisaient la guerre par pays interposés : les Américains ont été chassés au Vietnam, les colonies portugaises étaient en ébullition. La Guinée était pleinement impliquée dans la guerre de libération en Guinée-Bissau, en Angola. Des soldats guinéens y reviendront avec une maladie de peau qui démangeait vivement, et quand une sorte de gale à vive démangeaison parut à Conakry, on l’avait appelé « Angola » ou « kanaworobé »…

A cette époque, en plus du premier choc pétrolier, les sanctions économiques occidentales contre les pays socialistes avaient touché la Guinée de plein fouet. Sans parler de famine, le ravitaillement en riz était réduit à moitié et complété par du maïs avec des problèmes…

Le trafic et les spéculations du marché noir ne finissaient pas. On avait fait un voyage sur N’Zérékoré dans un vol en Cargo. Le grand marché de la capitale de la banane plantain était vide, les tables étaient occupées par des chiens errants, la cigarette Milo était invisible à l’œil nu, elle se vendait en catimini au double ou triple de son prix. Le commerce était aux mains des Malinkés, Sékou Touré, dos au mur, les avait appelés « cheytane ». Les Guinéens avaient des chaussures de bois qu’ils qualifiaient de « en attendant l’arrivée du bateau ». Parce que l’on avait fait entendre au peuple que le bateau qui devait venir avec tous les besoins des Guinéens, était en route, pardon en mer (on croyait que Juan Gomez avait filé à l’anglaise, mais le revoilà, bon…), digression.

Pour mieux être témoin de cette époque, on avait vendu le billet d’avion pour emprunter un camion de la Cotra qui était venu livrer du ciment à N’Zérékoré et qui repartait vide. Le chauffeur, M. Mara, une forte pensée pour lui, nous invita à prendre place dans la cabine avec insistance, mais c’était moche, on a préféré être en plein air avec les apprentis et quelques passagers pour bien « pagayer ».

Et comme l’histoire de ce pays a voulu être bien connue pour être bien racontée, le camion fit des détours pour chercher des passagers et des choses à transporter : Yomou, Beyla, Kérouané, Siguiri, Kankan, Kouroussa, Dabola, Mamou, Kindia. A chaque escale, il faisait un long arrêt pour nous permettre de connaître le pays, mais il n’y avait rien à voir ou presque rien à acheter, tous les marchés étaient vidés et vides comme rien.

A une escale, entre Siguiri et Kérouani, on a mangé dans une gargote de la viande d’hippopotame et on avait bu une boisson alcoolisée, oubliant de nous laver les pinces et les lèvres. Quand le camion était prêt pour le départ, on avait les doigts qui collaient et on arrivait à décoller difficilement les lèvres, à fakoudou !

La Guinée était dans un marasme économique à genoux. La fierté du NON du 28 Septembre 58 était en berne. Nous avons préféré la liberté dans la pauvreté, men wakilitoun ! N’est-ce pas encore la deuxième happenstance ?C’est pas tout, vous allez voir.

En 1977, on a été en Guinée-Bissau avec un ami, qui pensait et qui voulait faire de nous un professeur de français dans le lycée de Bissau. On était allé, à deux, voir le proviseur et on a eu la promesse d’être recruté dès l’ouverture avec un salaire bien rond. Mais quand la Voix de l’Allemagne annonça que « le président Sékou Touré a été lapidé par les femmes de Conakry » et les commentaires parlaient de la situation économique du pays, chose qu’on connaissait, on avait vite plié bagage pour revenir au pays. Ce qui était étonnant, c’était de voir toutes les productions guinéennes qui ne se voyaient pas en Guinée, se voyaient à gogo dans tous les marchés de Guinée-Bissau. Même dans les petits villages frontaliers, on voyait des sacs de riz importés au nom de Conakry, du sucre de Koba, les cigarettes de ENTA…

La politique panafricaniste de Sékou Touré avait-elle besoin d’affamer son peuple pour complaire au voisin, qui, lui, recevait de l’aide d’autres pays, en priorité ? Cette facette de l’histoire, il ne fallait pas être à Conakry seulement pour l’écrire, la troisième happe-stance.

Des policiers qui s’étaient confondus aux manifestants et aux femmes pour les noyauter, au besoin, mais qui étaient engloutis, avec lesquels on a joué au football, nous ont racontés plus tard que quand Sékou Touré avait commencé son adresse à la foule par son slogan habituel, parce qu’il commençait toujours ses tchatches par : pour la Révolution… !!!  et la foule répondait « prêt !!! » mais pas cette fois : « Pour la révolution !!! » « NON !!! wonmoulandjiKhama ». NON, ce n’est pas ce qu’on a convenu), avait vociféré les femmes. Effectivement. Et le Responsable suprême de la Révolution avait changé le fusil d’épaule pour condamner et  supprimer illico presto la police économique, ce qu’il fallait pour calmer la foule en furie.Il était bien à propos, « Sékou Diogène ».

Comme on le voit, la liesse du 25 août 1958 a été largement battue par l’acrimonie du 27 août 1977. Sékou Touré avait tremblé, pour la première fois. Salif Kéita va le consoler par son titre « Mandjou », le Hafia FC lui offrira le bouquet du Triplé de 77. Les avanies et la gloire, il les a vues et eues, et cela n’est pas donné à tout le monde, surtout à ceux qui dirigent la Guinée, n’est-ce pas, Dadis ?

Cette police économique doit être ressuscitée pour le contrôle des prix, qualités, poids et mesures.

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