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Guinée : les coordinations régionales à l’épreuve du droit

Par Youssouf Sylla, analyste-juriste à Conakry. 

Selon le constat qui peut en être fait, du moins par rapport à leurs prises de position fréquentes, les coordinations régionales sont des structures hybrides, à l’intersection du droit associatif et du droit politique. En plus des missions culturelles et sociales qu’elles revendiquent sur leur territoire régional, elles assument aussi des fonctionnalités politiques à travers leurs implications actives dans le débat politique. Elles jouent en effet, un double rôle : social et politique.

Dans leurs dimensions politiques, les coordinations régionales sont donc au centre de l’actualité politique depuis plus d’une dizaine d’années. Pour cette raison, elles sont convoitées aussi bien par les pouvoirs en place que par les partis de l’opposition. Leur alliance est recherchée, car derrière la bienveillance du leader régional se cache une armée d’electeurs, mais aussi la légitimité auprès des populations qui s’identifient dans sa personne.

Du coup, la désignation d’un leader régional devient désormais un enjeu politique majeur. A Macenta et à N’Zérékoré dans la région de la Guinée forestière, la désignation du leader régional, outre les tensions politiques qu’elle suscite est aussi à la base d’un veritable conflit de leadership entre les communautés ethno culturelles d’une même région. C’est par exemple le cas entre les Tomas et les Tomamanias. Récemment, les relations entre son le pouvoir en place et le leader régional de la basse Guinée ont connu une extraordinaire dégradation depuis l’adhésion de ce dernier aux thèses de l’opposition politique, alors que sous le régime défunt, ce leader était dans les grâces d’un autre pouvoir et bénéficiait d’une super protection de l’Etat.

Ainsi, les interactions tantôt frontales, tantôt fusionnelles entre les coordinations régionales et la classe politique d’une part, et les conflits souvent meurtriers générés par la désignation d’un leader régional d’autre part, soulèvent de nombreuses interrogations, y compris en matière juridique, sur le statut de ces structures.

Il convient dès lors de se demander si les coordinations régionales sont des associations ou des organisations politiques au sens de notre droit national? Au regard du droit associatif, outre la constitution qui consacre le droit de former librement les associations, il y a aussi la loi L/2005/013/AN du 4 juillet 2005 qui donne plein droit aux citoyens de former des associations dans le cadre des activités culturelles, sociales, scientifiques et sportives. Les activités politiques étant carrément exclues du champ d’actions des associations.

L’exercice d’une activité politique en Guinée relève du régime de l’autorisation préalable. Autrement, une organisation ne peut se livrer à des activités politiques dans le pays sans y être préalablement autorisée. En vertu de l’article 17 de la loi organique n°91/02/CTRN du 21 décembre 1991 portant Charte des partis politiques, un « parti politique exerce ses activités à compter de la date de l’autorisation ». Avant cette autorisation, aucune organisation n’a le droit de mener de telles activités. A la différence des associations qui peuvent être territorialement limitées, la loi sur la Charte des partis politiques est plus exigeante dans son article 5. Elle dit ceci : « Aucun parti politique ne peut, dans ses statuts ou dans ses actions pratiques, s’identifier à une région, à une ethnie, à un groupe linguistique, à une corporation ou à une confession religieuse ».

Ainsi, du point de vue du droit en vigueur en Guinée, une coordination régionale, ne serait- ce que pour sa compétence régionale (limitée) ne peut être qu’une association dès lors qu’elle se livre à des activités sociales et culturelles. Elle n’a donc aucun droit de jouer un rôle politique à cause de son régime associatif. Si les membres d’une coordination régionale ont la volonté de se lancer dans la politique, rien ne les empêchent, sur le strict plan juridique, de se conformer à la loi sur les partis politiques et de se constituer en parti, non régional mais national. Mais il est impossible que sur le plan du droit, qu’une coordination régionale joue le double rôle politique et social. Elle doit choisir l’un au détriment de l’autre pour rester dans la légalité. C’est probablement à cause de ce mélange du genre entre le politique et le social que les coordinations régionales constituent plus un problème en Guinée, qu’une solution aux problèmes politiques et siciaux.

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