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Guinée : Les deux plus grands défis politiques du nouveau président

Par Youssouf Sylla, analyste politique à Conakry.

Une tempête même ravageuse finira par passer, cédant la place d’abord à un spectacle désolant, ensuite à la reconstruction. La tempête électorale guinéenne n’a peut-être pas fini de produire tous ses effets, mais la Guinée ne peut pas, compte tenu de ses autres urgences économiques et sociales, se permettre d’être indéfiniment prise en otage par cette tempête. Il faut qu’elle se relève pour avancer.

Les voix de la division ont largement pris en effet le dessus sur les appels à l’apaisement pendant et après la très chaude campagne politique pour la présidentielle d’octobre dernier. Malgré tout, l’histoire enseigne qu’aucune paix durable ne peut être obtenue dans la division et avec la montée des extrêmes, d’où la nécessité de les contenir pour le bien de l’ensemble.

La bataille électorale qui a complètement viré sur le terrain d’un ethnocentrisme affiché et assumé a brusquement révélé au grand jour deux choses : l’état de déconfiture de l’unité nationale et des questionnements sur la fiabilité du système de gestion des élections. Alors que l’opposition ne croit pas dans le système officiel, le système non officiel présenté par le principal leader de cette opposition reste lui aussi non reconnu par les pouvoirs publics. Mais aussi par les partenaires internationaux de la Guinée. En Guinée, la confiance de toutes les parties prenantes dans le système de gestion des élections reste par conséquent une préoccupation majeure pour la survie de la démocratie et la consolidation de la paix. Le nouveau président devrait rapidement prendre la mesure de ces enjeux et les traiter en toute urgence dans le cadre de la reconstruction du pays, après le passage de la tempête électorale.

Unité nationale, recoller durablement les morceaux après tant de gâchis

C’est le premier pilier de la reconstruction. L’unité nationale est la chose la plus affectée par cette élection, alors qu’en son absence, il est difficile pour une nation de relever ses défis. Le délitement du tissu social ne tombe pourtant pas du ciel et n’est pas le fruit d’un décret divin. Il est le résultat d’un certain nombre d’actes posés par les Guinéens eux-mêmes.

Aujourd’hui, chacun accuse l’autre d’être responsable de ce qui arriveau pays sur la base des jugements souvent biaisés par des considérations politiques. La Guinée est quasiment bloquée à ce stade, oubliant qu’en en réalité, la construction de l’unité nationale est forcément une responsabilité collective.

Une erreur capitale du nouvel homme fort de ce pays, serait de laisser cette situation perdurer. Il devrait donner le ton, jeter les bases les plus solides d’une fraternité nationale et intelligente entre toutes les communautés de la nation dans chacune de ses actions. Il devrait se mettre au-dessus de la mêlée et prendre la position d’un bon père de famille juste et équitable.

Pour cela, il va falloir ouvrir des chantiers de la réconciliation nationale par l’implication de toutes les composantes de la société dans la construction de la nation. D’ambitieux programmes gouvernementaux devraient ainsi permettre de sensibiliser les populations sur l’impératif du « vivre ensemble » et la nécessité de réparer les torts subis par les uns et les autres en toute équité. La justice pour tous et l’équité envers tous demeurent en toutes circonstances les garanties les plus solides pour une société qui aspire vivre dans l’harmonie.

Doper la classe politique dans son ensemble de confiance dans la gestion des élections

C’est le second pilier de la reconstruction après le passage de la tempête électorale. Un autre défi du nouveau président. En effet, on a longtemps discuté sans qu’un consensus ne se dégagé sur la nature, politique ou technique de l’organisme en charge de la gestion des élections. Il est primordial avec le retour de la sérénité, de reprendre ce débat qui doit permettre d’adopter par loi, un système consensuel de gestion des élections.

Chacun sait que les consultations populaires qui sont en principe des moments forts de la vie démocratique et du libre choix des dirigeants sont depuis longtemps une période de gros risques pour les Guinéens.

Malgré la consécration de la démocratie dans les textes, la Guinée a du chemin à faire pour relever les défis d’une gestion électorale pacifique et surtout consensuelle de bout en bout. Cette gestion a toujours été au centre d’importantes suspicions et rares sont aujourd’hui les hommes politiques qui n’ont pas porté des accusations de partialité sur ce système à un moment donné de leur combat.

On peut donc déduire que le dénominateur commun à toutes ces accusations qui se renouvellent d’une élection à une autre, est le manque de fiabilité dans le système de gestion des élections.

Les expériences du pays en gestion d’élections tout comme celles de nombreux autres pays africains, mettent en évidence une relation de cause à effet entre le niveau de confiance qu’une gestion électorale inspire auprès des compétiteurs politiques et le climat post électoral.

Force est de constater qu’une confiance de faible niveau dans le système augmente le risque de dégradation du climat post électoral. Et qu’à contrario, une confiance plus grande dans le système diminue significativement ce risque. La meilleure façon de résoudre en toute responsabilité ce problème est l’élévation de la dose de confiance dans le système de gestion des élections.

Certains commentateurs doutent des capacités du pays à produire un système digne de confiance et se prononcent en faveur son externalisation pour plus de fiabilité. Ils veulent donc que la gestion des élections soit confiée à une structure internationale indépendante.

Si cette solution traduit une certaine déception compréhensible de ces commentateurs qui ne savent plus à quel saint se vouer pour enfin avoir un système de gestion des élections digne de confiance et non controversé, elle semble par ailleurs intenable, compte tenu du fait qu’elle risque de mettre le pays sous une tutelle internationale.

En effet, la gestion d’une élection nationale dans tout pays est avant tout une question de souveraineté qui ne saurait être externalisée sans compromettre sérieusement celle-ci. Les Guinéens n’ont pas d’autres choix. Ils doivent prendre conscience qu’ils ont tout intérêt à faire monter la dose de confiance dans le système de gestion des élections nationalesquand passera la tempête électorale. Les autres ne le feront pas à leur place.

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