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Guinée : l’histoire de Niara Bely (Boffa), cette amazone négrière au destin atypique

Figure emblématique de l’histoire de Boffa et émérite amazone, Niara Bely est présentée comme une femme négrière très brave dans le Rio Pongo, au XIXème siècle. Selon l’histoire rapportée par son arrière-petit-fils, Niara Bely s’appellerait au départ Señora Bella qui, par altération, deviendra Niara Bely.

Alors fillette avec un âge oscillant entre 12 et 14 ans, l’héroïne Niara a été recueillie par des négriers au cours d’une traversée d’exploration, nous rapporte Stel Soumah.

« Ils l’ont envoyée dans un village d’à côté appelé Baralandé et d’autres disent que c’est à Bakoro. Arrivés, ils ont voulu exprimer que la fille a été recueillie par eux suite à une noyade qu’elle a dû frôler, avant de constater qu’il n’y a pas un langage commun entre eux et les résidents. Ils y laisseront la petite Niara Bely pour poursuivre leur trajet vers le Rio Nunez, sur les côtes de Boké », nous confie ce conseiller élu de la commune urbaine de Boffa.

« (…). A leur retour, poursuit-il, les villageois leur ont rendu la jeune fille. Ils ont donc pris le risque de l’emmener avec eux en Caroline du Sud où Niara Bely sera élevée par la maman de Francis Stel Lightburn, ce trafiquant d’esclaves, qui, plus tard, deviendra le futur époux de la jeune fille ».

Quelques années après, la belle jeune dame retournera au pays où elle servira d’interface entre la communauté négrière et la population allogène résidente. Puisqu’en plus de maitriser un peu la langue du terroir, son séjour américain en Caroline du Sud lui avait permis de comprendre aussi l’anglais.

« Et c’est alors que beaucoup d’esclaves vont être achetés depuis Böta, vers Télimélé jusqu’à Tamalan (réunion des villages en Soussou), ainsi que dans nombreuses autres localités du pays », indique celui qui tient son nom du négrier américain Francis Stel Lightburn.

Similitude de nom entre Görè et Gorée

Selon notre interlocuteur, les esclaves achetés çà et là étaient entassés dans un lieu de regroupement situé quelque part à Farenghia. Et cet endroit était appelé « Görè » -qui, littéralement traduit du Soussou,  signifie lieu où on amasse les animaux-, l’équivalent donc d’enclos en quelque sorte. Le nom similaire se retrouve au Sénégal, notamment l’île de Gorée où étaient déversés ces esclaves avant d’être déportés dans les plantations de betterave à sucre d’Amérique.

Cette situation d’attroupement des esclaves à Farenghia, Stel Soumah la justifie par le fait que les grands bateaux négriers ne pouvaient pas arriver jusque sur les côtes de Boffa. C’étaient plutôt de petits navires qui venaient les chercher là pour les emmener au Sénégal d’où ils partaient pour un aller sans retour.

Lors d’une expédition d’esclaves en Amérique, le bourgeois Francis Stel Lightburn part pour ne plus revenir en Guinée, puisque décédé peu après. Sa veuve, Niara Bely, restée à Boffa, n’en sera informée que tardivement. Alors que la brave femme lui avait fait 5 maternités.

Pendant ce temps, la collecte d’esclaves se poursuivait de plus belle. Donc, leur nombre ne faisait qu’accroitre dans un enclos de taille relativement moyenne. Et pour cause? Le navire devant les transporter n’accostait pas depuis plusieurs années.

Désormais plongée dans une inquiétude, Niara Bely, aux dires de notre informateur, fera recours aux services des féticheurs et des marabouts de la contrée. Mais, rien n’eut été jusqu’à ce qu’elle tombât sur un marabout nomade du nom de Balankonè, originaire de Yeniya, dans la localité de Firiya, à Faranah.

« Ce marabout, après avoir fini son travail, a  rassuré Niara Bely du retour du bateau, même sans son époux. Et cela, ne serait-ce qu’une seule fois puisque la traite négrière étant désormais abolie. A ce niveau, des témoignages divergent autour d’un délai de quarante jours chez certains alors que d’autres parlent de trois mois au terme desquels les villageois ont été réveillés par le klaxon du bateau, mais qui ne pouvait convoyer tout le monde, vu le nombre », confie Stel Soumah.

C’est ainsi donc qu’il a été procédé à la sélection des plus braves et plus robustes qui ont été embarqués et le reste, laissé à Farenghia. En digne et fier arrière-petit-fils, notre interlocuteur, loin de regretter ce passé de son ascendante, exprime plutôt sa joie entière d’être associé à cette histoire qu’il assume quoique n’ayant pas été acteur principal de cette pratique d’esclavagisme. Et pour preuve, le jeune conseiller communal déclare être sur un ouvrage qu’il intitule « Le dernier convoi ». Puisque, de l’avis du conseiller communal, le départ de cette dernière vague d’esclaves va être à l’origine d’autres faits aux répercussions sociales et sociologiques immenses.

« Je ne voulais pas le dévoiler maintenant. Mais au regard du l’importance du sujet que vous abordez, je suis emmené à dire que ce livre traite de l’état d’esprit qui animait ces esclaves pour ne pas avoir la malchance d’être sélectionnés. Car, ce départ aura eu des répercussions sociales et sociologiques. En ce sens que les gens qu’on a appelés esclaves hier, devraient enfin réintégrer la communauté », survole-t-il entre les lignes de son œuvre littéraire en vue.

Niara Bely épouse le marabout Balankonè

Selon notre répondant, le bateau était revenu avec la nouvelle du décès de Francis Stel Lightburn. A la fois attristée par cette disparition de son époux et contente du retour du bateau qui a envoyé l’essentiel des esclaves alors entassés à Görè, Niara Bely demande au marabout ce qu’elle pouvait bien lui offrir comme en guise de récompense. Mais celui-ci lui dira que le meilleur choix lui revenait de lui offrir un cadeau de sa convenance. C’est alors que la femme lui proposa de l’épouser, vu qu’elle a eu satisfaction.

Balankonè, musulman et pratiquant, demanda une retraite pour aller consulter ses parents à Faranah sur le projet de mariage à lui proposé par la négrière Niara et éventuellement demander conseils. Sa demande sera agréée par les siens restés sur place, sous prétexte qu’un musulman peut épouser une catholique, parce que les enfants qui seront issus de cette union seront des musulmans, et que c’est le contraire qui est interdit dans leur croyance. Du retour donc à Farenghia, le marabout épousa Niara Bely qui lui fera un enfant baptisé Aboubacar, ascendant de notre interlocuteur.

Dans notre prochaine publication, nous allumerons le projecteur sur le site historique de Farenghia avec son riche patrimoine touristique dont le port négrier et la pierre magique à trois pattes présentée comme une pirogue qui assurait la traversée sur un bras de mer dans cette localité de Boffa.

Boffa la mosaïque

A entendre Boffa, on a tout de suite comme l’impression d’attribuer cette partie de la Basse Guinée nord aux Soussou, tant leur influence y est grande. Mais la préfecture reste peuplée par plusieurs autres groupements notamment des mulâtres, des familles issues des explorateurs comme les Wilkinson, Morel, Fulbright, Marshall, Turpin, Emerson, Gomez, Finando et Katty, entre autres.

En attendant qu’une autre explication ne vienne démentir ou amender ce qui précède, Guinéenews se fait le devoir de proposer ce texte à ses valeureux lecteurs que vous êtes, en vue d’avoir une idée de cette dame au destin atypique et qui, malheureusement, est mise aux oubliettes dans les livres d’histoire du pays, avec des programmes d’études plutôt dédiés à Napoléon Bonaparte ou à Adolf Hitler.

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