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Guinée : pour des desseins variés, des mots prononcés à tout-va

S’il nous était donné de dresser le répertoire des mots les plus usités du vocabulaire ambiant ces derniers temps, dans la cité, nous commencerions d’emblée par: ‘’nous‘’ et ‘’peuple’’. Pour peu qu’on veuille bien prêter attention, ces deux vocables sont très en vogue chez nous. Parmi ceux qui s’en servent le plus, nous pourrions citer, au commencement, les acteurs du sérail politique. Vocation oblige ! Ils en font un gargarisme quotidien.

La politique s’incruste partout

Après les politiciens, viennent deux groupes distincts  de nos concitoyens: ceux que la chose politique titille sans arrêt au point d’en faire leur violon d’Ingres et les autres, que l’on retrouve dans la vie courante, menant des activités ordinaires, jusqu’au jour où ils se font happer à leur tour, par cette actualité qui envahit nos vies. Pour tout dire, aujourd’hui, tout le monde  semble gagné par le virus de la politique. Tellement, on entend et on  lit dans les médias et  réseaux sociaux, des opinions diverses, allant des plus avisées aux plus innommables, qu’on puisse imaginer.

C’est ce conglomérat d’acteurs divers, tous sexes, âges, niveaux d’instruction, strates socioprofessionnelles, obédiences politiques confondus, que l’on entend faire un usage excessif de ces deux mots. Au point de les galvauder. Chacun et tous parlent du peuple et en son nom. Chacun et tous utilisent le nous pour exprimer toute idée ou opinion personnelle, qu’ils entendent aussitôt implémenter en ‘’faveur’’, disent-ils, du devenir commun du pays. Comme s’ils en avaient reçu le mandat ou que leurs propos relevaient des espérances messianiques: « Nous voulons… » « Nous avons dit… » « Nous allons faire… » « Le peuple pense… » « Le peuple décide… » « Le peuple doit…»

Si, après des assauts verbaux répétés à l’envie et jugés très ‘’orientés’’, rien n’est dit ou fait par le camp des phraseurs, cela peut amplifier et envenimer rapidement la situation. En général, l’opinion et une partie au ‘’conflit’’ (mouvance ou opposition) concluent souvent à une offensive de l’instance  décisionnelle de l’autre camp. Pour la simple raison que le supposé émetteur n’aura pas recadré ou démenti ce qui a été dit ou écrit. Une situation très dommageable qui résulte d’un réel déficit de communication. Elle aurait fait sourire plus d’un, en d’autres circonstances.

Comment fusionner et équilibrer divers canaux de com.

Il est indéniable que nous avons en partage, le souci bien légitime de voir notre pays prospérer dans la paix. Pour réussir ce pari, il est vrai que chaque opinion compte. C’est l’interconnexion de ces différentes approches et esquisses de solutions qui pose problème. C’est là que le bât blesse et que des ‘’courts-circuits’’ se produisent. Chacun s’accroche mordicus à sa façon de voir, pensant détenir la vérité ou estimant avoir émis la meilleure idée. Et les heurts d’éclater, alors qu’au fond, tout le monde vise le même objectif pour le pays. La différence réside dans les approches qu’il faut nécessairement fédérer. Pour le réussir, il suffit juste de se concerter et d’en parler calmement, tranquillement.

Débat, dialogue et écoute de l’autre

C’est là qu’apparaît l’intérêt et la nécessité du débat, l’obligation du dialogue et de l’écoute de l’autre. Un penseur a dit que c’est quand on est à court d’arguments qu’on utilise la violence. Celle-ci peut être verbale ou physique. Et qui dit arguments, dit compréhension du phénomène en cause par l’ensemble des protagonistes. Il faut donc en amont, qu’ils aient une parfaite lecture de la source du ‘’conflit‘’, qu’ils en maîtrisent tous les aspects et contours, tous les tenants et aboutissants. Ces préalables sont eux-mêmes conditionnés par un minimum de formation et d’éducation de ces acteurs consensuels, connus pour avoir une bonne vertu civique, un ardent patriotisme, une honnêteté morale et une volonté réelle d’apaiser.

Enjeux de la communication de masse

La communication, surtout celle destinée à la masse, ne doit pas être laissée entre les mains de n’importe qui. Elle est très sensible et d’autant plus dangereuse à manipuler qu’elle est destinée à une population peu éduquée, donc influençable. Le mal est plus facile à faire qu’à rattraper. Les préposés à cette activité essentielle doivent être très bien formés aux règles du métier et avoir une haute conscience de leurs devoirs et responsabilités. D’autant qu’ils s’adressent à des personnes dont ils influencent nécessairement les comportements, avec l’ardent espoir que ce soit toujours dans le bon sens.

Le sens de la parole est parfaitement intégré dans nos valeurs ancestrales

La parole est une arme puissante. Elle peut construire comme elle peut détruire. Les traces qu’elle laisse marquent à jamais. Elles sont intemporelles et indélébiles. Voilà pourquoi, beaucoup d’aphorismes tirés de nos sociétés attestent de l’importance du verbe. En voici quelques uns :

« Mange, mais ne parle pas pour te rassasier »

« La plaie que la blessure physique inflige, cicatrise et disparaît, pas celle des mots sortis de la bouche »

 « La bouche c’est, attrape-le ! »

« Celui qui parle trop, risque de payer des dettes de son grand-père »

« Il faut longtemps remuer la langue avant de prononcer un mot»

« Garde-toi de laisser ta langue devancer ton esprit »

« Celui qui, par sa bouche gâte ton nom, t’a compromis le temps d’une génération »

« Entre des personnes, il y a toujours des liens ou des points de convergence qui sont cachés derrière un buisson. Seule la parole qu’ils échangent permet de débroussailler devant eux d’un trait et de les faire se retrouver.»

«Ce sont trois choses non velues (sans aucun poil) qui réunissent les hommes : la plante du pied qui mène chez l’autre, la paume de la main qui le salue et la langue qui communique avec lui.»

«En toutes circonstances, dans la vie, commence et finit toujours par ce qui est meilleur, tant en paroles, qu’en actes. Souviens-toi que longtemps après, le sujet pourrait refaire surface. Bienheureux tu seras, si ce jour, on rappelle que tu avais dit ou fait ce qui était meilleur à dire ou à faire.»

Ces maximes ou proverbes ne sont pas exhaustifs, loin de là ! Chacun de nous en a gardé au moins un, légué par un aïeul, appris à l’école ou glané dans la vie courante. Vous pardonnerez que leur traduction soit restée assez abrupte, à la limite de l’interlinéaire. Les linguistes en auraient fait un bien meilleur usage.

Nous en tirons pour leçon que notre pays, comme le continent qui l’abrite, est riche en valeurs culturelles servant de socle pour une parfaite éducation de la jeunesse. Rien que par ce biais, à la limite, théorique et non codifié, on obtient toujours in fine, une parfaite stabilisation de la société.

Des limites à la communication ?

S’il est souhaité que chacun s’exprime librement sur ce que nous avons en partage: la chose publique et le devenir commun, par contre, il ne semble pas très indiqué voire opportun que, pour ce désir de créer une convergence d’idées en faveur du pays tout entier, on laisse chacun en faire à sa guise. Cette liberté d’expression ou de ton, consacrée il est vrai, par nos lois, doit cependant tenir compte de certaines règles cryptées et prohibées qu’on ne doit pas violer ou franchir.

Une opinion personnelle ne doit pas être exprimée au nom du peuple ou de tout ensemble donné. Ne peuvent porter de tels messages que ceux qui ont mandat pour le faire. Ce sont les élus du peuple ou tous ceux qui ont une parcelle d’autorité que l’administration publique leur concède pour parler et agir en son nom, pour les intérêts bien compris des populations. Au-delà, tous ceux qui ne sont pas investis de cette mandature élective ou de cette prérogative administrative doivent s’abstenir de le faire.

Quelques comportements ‘’déviants’’et leurs conséquences

C’est outrepasser ses limites que de prétendre parler au nom de tous, sans en avoir le droit, l’habilitation dûment établie ou l’autorisation expresse. Il s’agit là, ni plus, ni moins, d’une usurpation pure et simple que nos lois prohibent et punissent. Surtout quand ce n’est pas dans le sens de construire et renforcer la paix, l’harmonie et le dialogue dans la cité.

Les adeptes de tels comportements se rencontrent partout, dans la vie courante, comme dans les formations politiques. Certains, parmi eux, à y regarder de près, sont souvent mus par le désir de sortir de l’anonymat et de jouer dans la cour des grands. Ils aiment mystifier et se rendre importants, aux yeux de ceux qui les écoutent, les lisent ou les regardent. Ils donnent l’impression d’être au courant de tout, d’être même dans la confidence des plus hautes autorités ou des états-majors des partis politiques. « On leur a dit ceci, ici, » « Ils ont assisté à cela, par là, » etc. Telle est la trame habituelle de leurs discours.

Pour parler, ils utilisent toujours la première personne du pluriel : nous. Comme pour affirmer leur intégration parfaite dans le rang des décideurs et s’exalter ou jouir du niveau de théâtralité atteint. Dans certains cas, à force de jouer aux  connaisseurs de grands dossiers, certains, heureusement qu’ils ne sont pas nombreux, en arrivent même à prendre le factice pour de la réalité.

Toutes ces formes de communication sont à proscrire, parce que dangereuses quand elles sont menées par des acteurs inaptes. Pire encore, quand des manipulateurs aux desseins machiavéliques s’en servent pour diviser le même peuple, au nom duquel ils prétendent parler. Les conséquences ne tardent guère à apparaître et à produire leurs effets dévastateurs.

Des fake news et autres moyens de désinformation peuvent être activées. Le plan maléfique étant de saborder, entre autres par le clivage ethnique, l’harmonie séculaire qui existe entre des populations parfaitement intégrées, qui vivent en paix et ont tout en partage. Ils saupoudrent leurs funestes stratagèmes de propos démagogiques et populistes que seuls des opportunistes sans scrupules peuvent tenter de servir aux autres.

Autres effets de la parole

Par la parole, on rit, on s’unit, on applaudit, on fête, on célèbre, on danse et on chante ensemble. Par la même parole, mal formulée, inconvenante, blessante, vexatoire, inappropriée, on pleure, on se sépare, on s’insulte, on se bagarre, on se recroqueville, on chasse l’autre, on ferme la porte et on commet les pires excès, les dégâts les plus fous et inattendus.

Par la parole, on peut se muer en démon, en monstre, qui dévore et détruit tout, sur son passage. Et quand arrive le temps des regrets, il est toujours trop tard, hélas !

Ne faisons pas de nos mots des maux

Mesurons donc toujours nos propos, partout, en tout temps et en toutes circonstances. Ils ouvrent à chaque fois, des sillons profonds, du fond desquels nous devons œuvrer à faire germer, l’espérance de paix et de prospérité, garantes de notre propre survie, dans le pays que nous avons en commun : la Guinée, terre de nos ancêtres, la  Guinée, patrie qui nous a  vus naître !

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