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Kankan : Le parc sur la réserve naturelle de Sabadou-Baramana menacé par des braconniers et des coupeurs de bois

Depuis 1925, il existe dans la préfecture de Kankan, plus précisément à 75 kilomètres, une vaste étendue de faune et de flore, baptisée la réserve du Foloningbè. La superficie de cette réserve forestière, qui est la seule et unique dans toute la région de la Haute-Guinée -selon notre interlocuteur- est de 537 000 hectares, située entre les sous-préfectures de Sabadou Baranama et de Boula, dans la préfecture de Kankan. Il y existe aussi un parc qui compte pour un cinquième, c’est-à-dire 104 000 hectares qui s’étendent sur 80 km de long.

La réserve est dans les conditions normales, intégralement interdite d’exploitation puisque classée aire protégée depuis l’administration coloniale jusqu’à nos jours. Autrefois, On y retrouvait une multitude d’espèces animales et végétales. Bref, c’était un coin de paradis vert était perché dans cette zone où les niveaux de température sont austères, presque toute l’année.

Cependant, aujourd’hui, ce bout de paradis, on en parle plus qu’au passé. Parce qu’il est en voie de disparition. La faune s’est évadée au fur et à mesure que la flore est décimée. C’est ce qu’on reteint d’un long entretien que nous avons eu avec Albert Clapasson, un viel homme  caucasien de 76 ans, amoureux de la nature qui tient encore débout et vit avec sa femme Syvie dans cet endroit.

La réserve, la famille Clapasson, le parc « Diwasi »

Pour la petite histoire, c’est après ses années de service avec l’entreprise française Lefèvre en Guinée, qu’en date du 15 avril 2004, alors étant en France avec sa famille, qu’Albert embrasse l’idée de venir créer un parc « faunique et floristique » dans la réserve naturelle de Kankan.

« En fin d’activités, explique-t-il, on s’est dit, tiens, pourquoi ne pas revenir faire quelque chose en Guinée ici dans le cadre de la protection de l’environnement. Apporter notre modeste contribution en tant qu’amoureux de la nature ».

Rendre un espace naturel toute sa noblesse et servir au tourisme, c’était aussi l’objectif de l’Etat guinéen. C’est pourquoi, le projet des Clapasson pour la réserve naturelle de Kankan, sera bien reçu par les autorités d’alors.

« En 2004, nous avons effectué une reconnaissance de terrain avec les techniciens du ministère des Eaux et Forêts et de l’Environnement ainsi que le ministère de l’intérieur. C’est comme ça que les formalités ont été remplies à Boula et à Sabadou Baranama. Avec les sacrifices et les bénédictions pour que nous puissions venir ici. Après ces contacts avec la communauté, le ministre de l’Environnement a  bien voulu signer un arrêté pour formaliser cette volonté de partenariat. 

Ce parc ne représente que le 1 cinquième de la réserve naturelle de Kankan. Qui elle a été déclarée comme telle en 1925. A la quête de ce 1 cinquième, je me souviens encore, à l’époque, le ministre, me disait, qu’il a expliqué la situation au président, et qu’il (le président Conté) a répondu « tu n’as qu’à tout lui donner », juste pour dire combien de fois, il était impressionné par l’idée de valorisation et de création du parc dans la réserve. Alors voilà comment nous sommes ici et comment le parc a été créé », a-t-il rappelé.

Le parc après toutes les démarches administratives qui ont été menées sous le régime du feu général Lansana Conté, est créé sous forme d’arrêté ministériel en date du 31 décembre 2004. En 2005, Albert, Sylvie et leurs enfants Thomas et David Clapasson s’installent à la rentrée du parc à Sabadou Baranama, à 75 km de Kankan.

À cette époque, on notait la forte présence d’animaux emblématiques, tels que les panthères appelées en langue locale ‘’Diarra ‘’les lions  appelés ‘’Wara’’, et les buffles, ‘’sii’’. D’où la dénomination du parc « DIWASI ».

Mais aujourd’hui, tout cela, n’est qu’un vieux et lointain souvenir et un mirage pour les générations futures : « Aujourd’hui, il n’y a plus rien. Pour être dans la chronologie des choses, en 2005, il y avait encore tous ces animaux ici dans ce parc. Dix ans après, le lion apparaissait et disparaissait. Depuis, on ne parle plus d’animaux emblématiques. On ne retrouve plus aucun animal quelconque dans ce parc. Récemment, pour déplorer la situation, le sous-préfet de Boula, disait au gouverneur de Kankan en marge d’une réunion, qu’il serait incapable même de l’offrir un simple lapin », regrette-t-il.

2008, le général président Conté meurt, tout part en vrille…

C’est depuis les années 2008, notamment avec le décès de l’ancien président Lansana Conté, que les choses ont commencé à fortement se dégrader. De la période allant de 2009 à 2013, au lieu de s’accroître, les ressources et richesses fauniques et floristiques n’ont fait que disparaître. Les actions anthropiques prennent anarchiquement le dessus au vu et au su des autorités complices. La famille Clapasson est très souvent  accusée  de « blancs  spoliateurs de terre » par des populations qui seraient manipulées par les grands lobbies du bois dans la région.

Or, «  jusqu’en 2008, tout allait bien. Le président Lansana Conté est décédé et puis il y a eu un abandon total de la part de l’Etat. Du jour au lendemain, on constate que les normes ne sont plus suivies, et ne sont plus tout à fait respectées au grand bénéfice des gens qui ne veulent pas qu’il y est de parc pour leurs intérêts pécuniaires. »

Les Clapasson Envahis par les braconniers, les Clapasson se demandent si on ne ment pas au président de la république

« Des coupeurs de bois et des braconniers viennent notamment de la région du Wassoulou par groupe de 10, de 12. C’est de la grande chasse et exploitation industrielle de la réserve. Si c’étaient des petits braconnages, il n’y aurait pas de problème. On peut vivre avec ça, mais il s’agit d’un braconnage à grande échelle. Partout où les tronçonneuses passent, où les Camions passent, on ne peut plus voir d’animaux. En dépit d’être une aire protégée, des chargements de bois, en sortent régulièrement. Les agents qui sont chargés de sa protection, en plus d’être trop peu, 12 agents pour ces centaines de milliers d’hectares, sont pratiquement tous corrompus. Nous prenons des photos des camions de bois qui sortent, on les publie pour dénoncer mais rien ne change. 

A ce rythmelà, on ne peut pas voir les animaux. Il n’y a absolument plus rien. Je pense que la faute revient à l’office des parcs et réserves qui a la tutelle des lieux. Ils abandonnent, et Clapasson est le seul, face à la horde des braconniers et des coupeurs de bois. A cela, il faut ajouter les mauvaises paroles qui se disent de nous, à cause de notre opposition à cette mauvaise situation, à tel point que je me demande l’utilité de notre présence », martèle-t-il l’air dépité.

Poursuivant, il ajoute qu’il « existe un différentiel de langage ou d’attitudes entre ce qui se dit dans les bureaux climatisés et ce qui se fait sur le terrain en réalité. Nous sommes abandonnés, personne ne peut le nier. A ce propos, je me demande même si on ne ment pas au président de la république actuel tout le temps.  Déjà les gens sont au ministère, ils disent : « nous protégeons », alors que sur le terrain, c’est une foutaise intégrale », a-t-il déploré.

En dépit de tout, l’espoir est encore permis

Malgré toutes les difficultés, la famille Clapasson, n’entend pas se décourager. Elle maintient sa mission d’assistance à la protection de la réserve naturelle de Kankan et des communautés qui l’entourent.

D’ailleurs à ce titre, selon son rapport, l’ONG NO NOBIS, à travers ce vaste projet du parc DIWASI, a de 2007 à 2020 éjecté 5 milliards 6 cents 50 milles francs guinéens, pour venir en aide aux communautés riveraines, à travers la construction, la rénovation ou l’équipement des écoles, des centres et postes de santé et la transformation de produits agricoles exercée par des groupements de femmes.

« Il existe encore en profondeur du côté nord et sud de la réserve naturelle, des zones encore sauvages, qui ne sont pas touchées encore par cette persécution qu’on assiste aujourd’hui et qui regorgent encore des animaux formidables. Rien n’est perdu. Ces animaux, nous pouvons les retrouver. Si aujourd’hui, on prend toutes les dispositions, pour laisser cette réserve tranquille, nous pouvons y arriver de deux manières : la sensibilisation et la dissuasion. On ne peut jamais protéger un parc au monde sans dissuasion. Il faut donc dans le prolongement des discours, que la réserve soit protégée par des personnes aptes et habilitées en qualité, en rang et en nombre. C’est à ce prixlà, qu’on pourra la sauvegarder », a-t-il assuré.

Enfin, il faut noter qu’en dépit de toutes nos sollicitations, les autorités locales en charge de la gestion de cette réserve naturelle en l’occurrence, le commandant des agents conservateurs de la nature, le colonel Traoré Adbulaye et le directeur préfectoral de l’environnement, Kerfalla Camara, n’ont pas accepté d’en parler avec nous.

Ils se sont juste contentés de nous confirmer au téléphone, qu’ils n’ont en tout que 12 agents conservateurs sur le terrain pour la protection de ces centaines de milliers d’hectares de la réserve.  Ils nous ont également fait savoir que ces agents ne sont ni armés ni équipés pour mener à bien leurs missions.

Aux dernières nouvelles, une mission de Conakry est attendue à Kankan dans les jours à venir pour tenter de trouver des solutions idoines, en vue de la réhabilitation de ce patrimoine environnemental.

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