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La construction « sauvage » de ralentisseurs de type dos d’âne détruit le réseau routier guinéen

Commençons par bien utiliser les termes. En code de la route, on parle de cassis ou dos d’âne et de ralentisseur. Le cassis est un creux (à ne pas confondre avec le radier) et le dos d’âne est une  bosse. Si tous les deux sont classés parmi les panneaux de danger, il arrive cependant que le ralentisseur se retrouve quelquefois comme panneau d’indication.

Ainsi défini, on comprend que pour franchir un cassis ou dos d’âne, le véhicule monte et descend en deux temps. Pendant que pour le ralentisseur, le mouvement se fait en une seule fois. Mais, obligation est faite au conducteur qui le traverse de ne point dépasser 30 km/h, pour ne pas abîmer les amortisseurs de son véhicule.

L’implantation d’un ralentisseur obéit à des normes précises. D’abord, la classification de la route, ce n’est pas sur n’importe laquelle que cela est permis. Ensuite, sa construction qui ne peut être effectuée que par les services compétents des TP (Travaux Publics). Ils sont les seuls habilités à produire un ouvrage homologué. C’est-à-dire, un type d’aménagement normalisé qui, non seulement n’agresse pas la chaussée, mais aussi n’endommage pas le véhicule. On en rencontre sur notre réseau routier bitumé, tant en zone urbaine qu’en rase campagne.

Ces types d’ouvrages que les TP proposent sont aisément franchis par les usagers, sans heurt et surtout sans casse. Au roulage on ressent juste un simple moutonnement qui fait vibrer le véhicule et incite à ralentir.

Qu’a-t-on fait de cette disposition règlementaire ?

Depuis les années 80, l’administration des Travaux Publics a pêché par relâchement dans le suivi régulier de cette disposition, pourtant clairement établie. Il est prescrit que personne n’intervienne sur le réseau routier pour quelque motif que ce soit, sans l’aval des services compétents du Ministère des T P.

Devant la léthargie observée dans l’application de cette mesure, les citoyens, surtout les riverains des voies urbaines, ont vite fait de s’engouffrer dans la brèche ainsi ouverte pour se substituer littéralement à l’administration. Ils ont confirmé ainsi l’assertion qui dit que « la nature a horreur du vide. »

Pour autant, leurs motivations ne sont pas citoyennes, loin de là ! Ils veulent juste gérer une situation qu’ils jugent incommodante ou sinon à risque pour eux: la poussière qu’ils inhalent au passage des véhicules ou les accidents dont ils se protègent du fait de chauffeurs qui passent à toute allure devant leur habitation.

Ainsi, sans consulter personne, ils ont librement décidé de se prémunir. Et voilà comment est née cette implantation sauvage de dos d’âne en ville et en rase campagne.

Quelles sont les inconvénients de ces constructions anarchiques sur le réseau routier ?

Ces infrastructures réalisées par les populations ne répondent à aucune norme technique satisfaisante. Les constructeurs sont de simples citoyens, sans aucune notion, aucune expertise dans le domaine. Quand un citoyen ou une entité quelconque décide de construire ralentisseur de type dos d’âne sur une route, les agrégats sont vite réunis : sable, ciment, gravier, eau… Le tout est emmêlé. On aligne alors des blocs de pierres en travers de la route, dans l’un des sens, pour commencer. Parfois aussi, on ouvre une tranchée pour s’offrir une vraie fondation où les blocs sont solidement fixés. Et le tout est recouvert de béton. Cette partie est fermée à la circulation pendant quelques jours et l’opération reprend après, sur l’autre moitié de la route.

Tous ces travaux s’effectuent des jours durant, sans coup férir, sans que personne ne pipe mot. Par peur ou par indifférence? Allez savoir!

A la fin, les usagers ont en face, un vrai obstacle à franchir. C’est haut et abrupt, c’est inesthétique et destructeur ! Les véhicules viennent s’y buter violemment. Les arêtes vives de la maçonnerie hasardeuse font obstacle à toute tentative de franchissement aisé. Si par malheur, la vitesse est grande ou le frein est tardif et brutal, on a toutes les chances de casser quelque chose sur l’engin ou de faire un accident. De pareils exemples foisonnent qu’on peut rapporter à satiété.

D’autres inconvénients majeurs existent qui montrent la nocivité de cette pratique. A tous les endroits où ces fameux ralentisseurs sont implantés, il a été constaté que la route se détruit plus vite. Les raisons à cela sont de deux ordres : d’abord, le fait que les véhicules s’y butent avec violence ou roulent dessus avec un certain poids contribue à déstabiliser l’ouvrage et le sol tout autour. Ce qui favorise une désagrégation et un ravinement constants que l’eau, empêchée de circuler à ce niveau, accentue.

Une deuxième considération, celle-ci, d’ordre sécuritaire est soutenue par la  gendarmerie routière. De ses constatations en rase campagne, il ressort que les coupeurs de route choisissent parfois ces ralentisseurs mal façonnés pour commettre leurs forfaits. Ils les ciblent pour une raison toute  simple : les chauffeurs y ralentissent nécessairement et parfois même freinent complètement, de crainte d’abimer leur véhicule. C’est le lieu et le moment que choisissent ces criminels pour se jeter sur les malheureux voyageurs, comme une proie qui leur tombe entre les mains, sans avoir eu besoin de lui courir après.

En dernier aspect, nous soulignerons le fait que ces obstacles ne sont jamais signalés. Or, avec le développement du tourisme, cela expose les visiteurs qui viendraient à arpenter nos routes à la découverte du pays. On sait qu’ils viennent en général groupés ou en solitaire, par leurs moyens propres, (vélos, motos, autos) et très rarement par le transport en commun local.

Dans la même gamme de risques, s’ajoute l’ouverture de notre pays aux tournois cyclistes. La présence inopinée de ces ralentisseurs sauvages sur les circuits retenus, exposent les coureurs. Mais, ce qui rassure, de ce point de vue, c’est que ces rendez-vous à dimension continentale sont rigoureusement préparés à l’avance.

Comment contrer cette tendance érigée en règle

L’Etat a les moyens qu’il faut. Entre autres, par des campagnes d’information, d’éducation et de sensibilisation et par une relecture des textes législatifs et règlementaires pour bien baliser les interventions intempestives ou agressives sur le réseau routier. Bien entendu, le fait d’avoir longtemps attendu pour réagir ou informer ne rendra pas la tâche aisée aux autorités.

En son temps, le Général Lansana Conté avait décidé de leur suppression. Il n’y a pas encore longtemps, la Direction Générale du FER (fonds d’entretien routier) avait initié une campagne dans la même veine. La dite campagne semblait bien partie et avait commencé à marquer les esprits, lorsque soudain, après un temps d’activation soutenu et porteur, elle s’est arrêtée, sans crier gare.

Au vu de toutes les dégradations causées au réseau routier, par des pratiques anarchiques et agressives, toute cette prolifération de dos d’âne hors normes, construits pour compromettre la sécurité de la circulation, dissiper tout l’investissement consenti pour s’offrir, à grands frais, ces kilomètres de bitume, il n’y a pas à douter que le réveil soit sur le point de se manifester.

Devant pareil enjeu, la motivation n’est pas difficile à trouver. L’esprit citoyen l’emporte chez tout le monde.

Et vivement, trouvons les palliatifs qui s’imposent et réactivons les moyens pour mettre fin à ces pratiques néfastes, débridées et dangereuses.

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