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Lamine Guirassy : « Je vais m’engager mais pas comme candidat demain ou en 2020 »

Dans la deuxième partie de notre entretien, le PDG du Groupe Hadafo Médias, Lamine Guirassy, désigné par deux fois parmi les cent les plus influents en Afrique, a fait des confidences pour expliquer son implication dans la gestion de la crise syndicale.

Parlant de son ambition, l’homme entend s’engager autrement mais cela ne voudrait pas dire qu’il sera candidat aux élections présidentielles, demain ou en 2020. « J’aime le rôle où je suis. J’aime le rôle où j’alerte, où je dis attention ça glisse ».

Guinéenews : après Boké et Labé, cap sur N’zérékoré, sur invitation d’une ONG.

Lamine Guirassy : la tournée à N’zérékoré, encore une fois, n’est pas liée aux festivités des dix ans d’Espace FM. Au contraire, il s’agit d’une invitation de l’ONG Jeune École Avenir (JEA), qui date depuis 2017 mais j’attendais de caler les choses. En fin de compte, après Labé, on a décidé de continuer sur N’zérékoré, compte tenu de notre calendrier chargé les prochains mois. A notre arrivée, grande fût notre surprise de voir une jeunesse motivée et mobilisée autour d’Espace TV. Puisque, c’est Espace TV, qui est regardée à N’zérékoré. Cette semaine donc, nous allons lancer la radio Espace FM du côté de N’zérékoré. Pour moi, c’était intéressant de voir l’engouement des jeunes autour d’Espace FM parce que ce n’est pas ma personne. Moi, je ne suis rien sans mon équipe. Donc, c’est un peu ça.

Guinéenews : quand vous allez dans l’arrière-pays, vous voyez les attentes de la jeunesse, vous regardez l’environnement dans lequel elle évolue, l’état des routes, l’état des services sociaux de base, ça vous dit quoi au fond de vous ?

Lamine Guirassy : je dis de s’engager. Je disais tout à l’heure qu’il est bien de critiquer mais quand on n’est pas acteur, il devient compliqué parce qu’on ne peut pas décider. C’est pourquoi, j’ai envie, à un moment donné, de franchir le pas, d’aller de l’autre côté sur le terrain de ces ténors, de ces décideurs politiques pour leur dire qu’ils ne sont pas les seuls. Donc, à un moment donné, d’autres peuvent sortir de nulle part, qui peuvent venir jouer sur leur terrain et les battre, c’est bien possible.

Guinéenews : mais quand vous appelez à l’engagement, que voulez-vous dire exactement ?

Lamine Guirassy : quand je dis que je vais m’engager, cela ne voudrait pas dire que vous allez, demain ou en 2020, entendre Lamine Guirassy comme candidat aux élections présidentielles, ce n’est pas dans ce sens-là. Ah non, loin de là. Mais je reçois ces politiques à l’antenne, je suis peut-être leur confident. Ils me disent leur confidence, leur crainte. Après avoir entendu tout ça, tu peux connaître leur faiblesse mais je ne me dis pas parce qu’ils me font ces confidences que je vais leur jouer un sale tour. Ça n’a pas de sens. Je ne suis pas de ce genre. Je ne suis pas lâche. Je respecte tout le monde. Mes relations avec Cellou Dalein Diallo sont très particulières. Mes relations avec Sidya Touré sont très particulières. Mes relations avec le président Condé sont très particulières. Donc, il ne faudrait pas non plus changer de surface. Là, journaliste-politique, père-fils, Tonton- petit-frère, bref, ça dépend. Comme il y a des jeunes que j’encourage pour qu’il puisse aller de l’avant. Je pense à Aliou Bah du BL, que je respecte beaucoup. François Bourouno, malgré l’absence de son leader, mais il est toujours au charbon. Il se défonce.

Malheureusement, dans le camp présidentiel, c’est la trouille aujourd’hui. Les jeunes ont peur de sortir la tête de crainte qu’on les tape dessus à cause de leur ambition. Cependant, il y a des jeunes qu’il faut encourager. Comme Damantang Albert Camara, qui n’est pas mal en soi mais qui a commis beaucoup d’erreurs. Il y a non seulement la gestion de la crise syndicale de l’éducation mais également la lecture de la situation de chez nous. Je le respecte énormément, je pensais qu’il pouvait jouer un rôle pour ne pas que le président continue à aller sur un terrain glissant, c’est-à-dire prendre la presse comme ennemi. Mais quand je vois que ce sont eux qui encouragent le président à aller sur ce terrain, je me dis qu’il y a un souci. C’est le militantisme qui a pris le dessus peut-être parce que je connais la personne.

Donc, il y a lui. Il n’est pas mal en soi parce qu’il a des belles idées. Vous avez aussi Moustapha Naité, qu’il faut soutenir et encourager. Il y a Ibrahima Kalil Kaba de la présidence. Très discret, il est dans son monde, c’est un technicien qu’il faut respecter.

Guinéenews : comment garder son manteau de journaliste et s’engager ?

 Lamine Guirassy : il y a une frontière. Un moment, j’ai lancé un mouvement appelé « Les Vrais Gens ». Il n’y a pas ce qui n’a pas été dit. Tantôt, il est politique. Tantôt, il a créé des ennuis. J’apprends aussi que la suspension des émissions d’Espace FM est due en partie parce qu’ils ont dressé un rapport accusant l’UFDG d’avoir financé les « GG Tours » à Dakar en octobre 2017. Mais ils oublient qu’on était sponsorisé.

Parfois, j’ai envie d’être acteur de la société civile à ma manière. Et ce n’est pas Aboubacar Soumah, qui me dira le contraire. Au plus fort moment de la grève, j’ai mis mon manteau de journaliste de côté. Le syndicaliste peut témoigner. Je vous fais cette confidence. Je me suis impliqué personnellement pour le faire venir à la raison. On nous avait traités de tous les noms d’oiseau, on nous a diabolisés un moment. On nous accusait d’avoir fabriqué Aboubacar Soumah, de lui donner la parole. Tout le monde a vu cette image misérable à la RTG où on nous a chargés à mort. Fallait-il observer en spectateur le pays aller au chaos ? Non ! Il fallait au contraire prendre ses responsabilités et agir. C’est ce que j’ai fait. C’est pourquoi, à un moment donné, je me suis dit de jouer ma partition parce que j’aime mon pays.

J’ai appelé Soumah trois à quatre fois. J’ai appelé Abdourahmane Sanoh de la PCUD. Personne ne m’a demandé de le faire. Je l’ai appelé un soir pour lui demander d’intervenir parce qu’on disait qu’il est très influent sur Soumah. Avec Aboubacar Diallo, on est allé le rencontrer chez lui. Il fallait faire quelque chose sans pour autant affaiblir le syndicaliste. Nous, notre rôle, c’était de créer le dialogue. Que cette rencontre puisse finalement avoir lieu avec le président Condé. J’étais tout heureux quand ils se sont rencontrés. Le président a dit que l’autre est son fils. C’est le message que je voulais entendre. Vous avez vu la suite après. On est allé plus loin, on a souhaité que Sanoh puisse aller rencontrer le président. Il a décliné la première invitation. Finalement, on dit que la nuit porte conseil. C’est à travers Guinéenews que j’ai appris qu’ils se sont rencontrés finalement.

Guinéenews : au terme du premier trimestre 2018, où en est-on avec vos projets ?

Lamine Guirassy : les projets, c’est d’abord le lancement de la radio Espace FM à N’zérékoré. Ensuite, c’est l’extension du côté de Kindia même si je ne comprends toujours pas pourquoi notre licence est bloquée à la HAC depuis deux ans à présent ? Voit-on Espace FM qui a tendance à devenir une radio nationale ? Je n’en sais rien mais du côté de la RTG, on nous regarde comme l’ennemi à abattre. A Macenta, Lola, Gueckédou et Yomou, les populations regardent-là Espace TV parce que la RTG est sur le bouquet Canal plus. Or, ils n’ont pas les moyens de s’y abonner.

Guinéenews : le hic est que vous n’avez pas, ni le même budget, ni le même effectif.

Lamine Guirassy : c’est une question de vision et de conviction. Je joue ma partition où je suis. Je suis content que la RTG s’inspire d’Espace aujourd’hui, honnêtement parlant. Je suis plus que fier. Je me dis parfois qu’il était temps que la RTG ait eu un directeur issu du privé même si je n’apprécie pas tout ce qu’il (Sékouba Savané) fait, en mettant le militantisme de côté. Si le président l’a amené là, c’est pour apporter du changement. Ce changement, j’attends de voir. Ce sont deux mondes. Ce n’est pas Alpha qui m’appellera pour dire ce qui va passer au JT. Je ne fonctionne pas comme ça. Malheureusement, les habitudes ont la peau dure.

Guinéenews : le chef de l’État a rencontré le chef de l’opposition, votre lecture.

Lamine Guirassy : si c’est pour désamorcer la crise politique, c’est bien mais sur quelle base. J’ai toujours condamné ces tueries, ces violences. Donc, si vous demandez ma lecture, je dirais que que les politiques se jouent de nous. Qu’on soit du RPG, de l’UFDG, de l’UFR, du GRUP ou de Guinée Audacieuse, le peuple mérite respect et considération. Le jour où les militants du pouvoir ont attaqué notre siège, beaucoup attendaient que je passe l’information à l’antenne. Je ne suis pas bête, je suis né radio. Je mourrais radio. Jamais je ne ferai des bêtises pareilles. Peut-être, on voulait jeter des peaux de banane sous nos pieds. En cas d’appel, s’il y avait eu mort, on nous poussait à fermer. Non. Quoi qui se fasse, quoi qu’il arrive, ce pays nous appartient. Je mourrai en Guinée. Je n’ai pas deux pays.

Guinéenews : quand vous regardez ces crises à répétition, êtes-vous optimistes ?

Lamine Guirassy : quand j’écoute l’intervention de Lansana Kouyaté, qui pour moi, a toujours vu juste, je me dis qu’on n’est pas sorti de l’auberge. Je sais que le président Condé fait de son mieux pour écouter tout le monde, c’est un acte que je salue. Je pense qu’il faut l’encourager à aller dans le bon sens, en écartant tous ses proches qui prônent la haine tel Bantama Sow. Je pense que celui-ci doit partir. Il est jeune. Dans le camp d’en face, vous avez les Ousmane Gaoual. Ce sont les polémistes.

Guinéenews : votre dernier mot

Lamine Guirassy : je les remercie pour le soutien. L’avenir se conjugue maintenant. Et c’est maintenant, qu’il faut prendre ses responsabilités. Si cela se passe autrement, demain, peut va se retrouver dans leur camp, pas le camp des politiques, je n’aime pas ce terme. Macron, personne n’a cru en lui. Il a pris son destin en main. En Guinée, c’est impossible. Mais tout est bien possible. Quand je dis que tout est bien possible, ce n’est pas parce que je demande le plus souvent aux politiques, est-ce qu’en se rasant le matin, ils pensent à être au palais Sekoutoureyah ? Je me repose cette question. Je dis non. Cela ne me traverse pas la tête. J’aime le rôle où je suis. J’aime le rôle où j’alerte, où je dis attention ça glisse.

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