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Les curiosités du dialogue politique en Guinée

Le dialogue politique en Guinée se tient parfois sur des sujets qui à mon sens sont inappropriés à faire l’objet d’une entente politique parallèle et souvent contradictoire avec la loi en vigueur. Les débats à l’Assemblée nationale autour d’un projet ou d’une proposition de loi sont une chose. Mais l’application rigoureuse d’une loi en vigueur est au-dessus des desiderata des partis politiques même s’ils gardent la liberté de la critiquer et de vouloir la changer par voie légale.

Cette précision étant donnée, la violation ou non de loi pénale ou de la loi sur la gestion du système électoral relève en dernier lieu du juge. Les arrangements politiques n’ont rien à faire là. Leur place est ailleurs. Or, on a vu en Guinée des arrangements politiques se réaliser sur les suffrages des électeurs pendant et après les dernières élections communales. On voit aussi ces mêmes arrangements s’inviter dans des cas de violation présumée de la loi pénale lorsque certaines personnes sont poursuivies à l’occasion de certains événements politiques.

En effet, que signifie d’avoir un dialogue politique sur la nécessité de condamner ou d’innocenter un individu présumé coupable de violation d’une loi pénale sinon que la substitution pure et simple du politique au juge ? Que signifie encore ce dialogue sur la nécessité d’accorder à un candidat le suffrage émis en sa faveur et de priver un autre qui n’en a pas obtenu, sinon qu’un exercice de perversion de la démocratie ? Un parti politique, qu’il soit de l’opposition ou au pouvoir doit se préoccuper avant tout de l’application effective de la loi et non des arrangements de circonstances qui ne résolvent aucun problème de manière durable.

Il y a donc lieu de distinguer les intérêts d’un parti sur un sujet donné de l’intérêt général déjà déterminé par la loi. Mais seule la culture du respect de la loi permet de réserver à celle-ci son domaine sans interférence du politique et à l’arrangement politique le sien, quoique ce dernier doive se tenir sans offense à la loi.

L’autre terrain de prédilection du dialogue politique en Guinée porte sur les pourparlers entre le pouvoir en place et les partis de l’opposition en vue d’une éventuelle participation de quelques représentants de ces entités concurrentes à la gestion gouvernementale. Il s’agit en réalité de contenter tout le monde et de donner corps à la fameuse transhumance politique. Généralement, le dialogue qui concerne cette forme d’intégration de l’opposition dans la gestion gouvernementale se fait à son propre détriment. C’est un moyen pour le pouvoir de faire taire l’opposition soit en demandant la dissolution du parti participant, soit en favorisant la dispersion et la crise en son sein par la récupération des leaders charismatiques. C’est une sorte d’opération de neutralisation de l’opposition par son alignement sur les causes du parti au pouvoir.

En gros, on peut donc dire que le dialogue politique entre l’opposition et le parti au pouvoir en Guinée se présente sous formes dominantes : la substitution des arrangements politiques au pouvoir du juge de trancher le contentieux électoral et pénal, et la récupération pure et simple par le parti au pouvoir des leaders charismatiques de l’opposition pour ses propres intérêts, ce qui équivaut à leur neutralisation sur le plan politique.

Ceci dit, personne ne peut ignorer le bienfait du dialogue et de la consultation politiques dans des domaines qui s’y prêtent. Il est fréquent que les leaders des partis dialoguent tout en gardant leurs différences pour constituer un front commun face à certaines situations exceptionnelles, comme la lutte contre l’expansion des actes terroristes dans la sous-région ou face à certaines crises internes graves touchant la nation dans son ensemble comme la Covid-19, les calamités naturelles ou encore quand il s’agit d’adopter des budgets qui arrangent quelques revendications du programme de société des partis dont le vote favorable est déterminant pour la majorité à l’Assemblée nationale. Dans ces types de négociations politiques, il n’y a ni entorse à la loi ni perte d’identité idéologique d’un parti comme c’est souvent le cas en Guinée.

On voit des exemples de cette maturité politique dans les grandes démocraties. Les partis dialoguent sans pour autant perdre leur identité sans laquelle ils deviennent méconnaissables. Pour le reste du temps, chacun défend bec et ongles le bien-fondé de sa position, en contredisant son adversaire sur la grande majorité des sujets, qu’ils soient économiques, politiques, sociales ou internationales. Ce dialogue constructif repose sur les échanges d’idées dans l’enceinte des parlements nationaux et dans les médias. C’est justement sur ces points qu’on voit la différence entre les partis et qu’on construit notre opinion de choisir et de soutenir un parti plutôt qu’un autre.

Pour conclure, disons qu’il est souhaitable en Guinée que les partis politiques se mettent au service de l’intérêt public et des institutions républicaines en œuvrant sans commune mesure au strict respect des lois et en évitant toute collusion entre les arrangements politiques qu’ils peuvent contracter entre eux et le champ réservé à l’exercice du droit et de la justice.  Assurément, il y a encore pas mal de chemin à faire pour en arriver-là. Une des voies d’accès à ce chemin est ce que nous appelons « la révolution des esprits », le meilleur antidote au mal guinéen.

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