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Personnalité Guinéenews© de l’année 2019 – Abdourahamane Sano, Coordonnateur du FNDC !

Comme il est de tradition, chaque année, Guinéenews© décerne le titre de personnalité de l’année au Guinéen qui a le plus marqué l’actualité nationale.

L’arrestation et la condamnation d’Abdourahamane Sano, coordonnateur du FNDC a mis en avant un activiste dont le passé professionnel et politique est devenu un symbole en Guinée, pour tous ceux qui par leurs efforts, essaient de privilégier l’intérêt national au lieu des avantages matériels temporaires, tentant ainsi de mettre la Guinée sur le chemin de la bonne gouvernance, de l’unité, de la tolérance. C’est un jalon important de l’histoire récente de la Guinée qui s’écrit présentement.

Guinéenews a choisi Abdourahmane “Doura” Sano, comme la personnalité qui a fait l’actualité de l’année 2019 en Guinée.

Qui est donc Abdourahamane “Doura” Sano?

Enfance et scolarité et début professionnels

Né le 27 mars 1958 à Kindia, fils de feu Elhadj Sékou Sano et Hadja Fanta Sylla, le jeune Abdourahamane Sano (« Doura » étant le sobriquet donné aux Abdourahamane) y a fait l’école primaire, avant de continuer le collège et le lycée ensuite de 1975 à 1979 dans la “ville des agrumes”, où il obtient son baccalauréat.

Après le baccalauréat, Abdourahamane Sano est admis à l’Institut Gamal Abdel Nasser à Conakry et y obtient en 1984 une Maîtrise en Comptabilité de l’Ecole Nationale d’Administration de l’Université de Conakry. Il vit alors chez son père adoptif. Le très rigoureux enseignant Elhadj Moussa Sano qui réside toujours d’ailleurs à Coronthie, dans la commune de Kaloum.

Abdourahamane Sano décroche son diplôme l’année même de la mort du premier président Sékou Touré, qui va conduire à la prise de pouvoir par l’armée en avril 1984. Le nouveau régime militaire tournera définitivement la page du communisme d’état et promis aux Guinéens la liberté d’entreprise et sans restriction.

Comme tous les jeunes sortants de l’époque, Doura sera envoyé en “formation civique” au Centre de formation et d’Infanterie (CFIK) du Camp Kèmè Bouréma de Kindia en Basse Guinée.

La carrière professionnelle d’Abdourahamane Sano commence comme enseignant. Le jeune sortant Abdourahamane se retrouve en 1985, jusqu’en 1986, comme chargé de cours de comptabilité à l’Ecole Nationale de Secrétariat (ENS) à Conakry.

L’année suivante, en 1987, Abdourahamane Sano est nommé comme Chef section Administrative et Juridique à l’Office Guinéen de Publicité (OGP), avant de virer dans le privé comme Chargé de la Compensation à la Banque Populaire Maroco-Guinéenne (BPMG), jusqu’en 1993?

Passionné de course automobile, dès novembre 1992, Abdourahmane Sano initie et devient le président et membre fondateur de la Fédération Guinéenne de Sport de Mécanique (FGSM) et de l’Auto Moto Club de Conakry (AMCC).

Ses talents d’organisateur sont vite détectés et en 1997 il est nommé Président de la ‘’Commission d’Organisation’’ au sein du Comité National Chargé de l’organisation du Forum des Investisseurs, qu’il conduira avec brio en Mai 1998 sous l’autorité de la Primature et le Ministère de la Promotion du Secteur Privé, de l’Industrie et du Commerce sous le gouvernement de Sidya Touré.

Le roi des Foires Commerciales

Entre 1996 et 2000, Sano se fait connaître en Guinée et à l’international avec l’organisation de plusieurs éditions de diverses expositions étrangères en Guinée (Egypte, Syrie, Iran, Maroc, etc.), dans le cadre des activités du CIEPEX (Centre International d’Echanges et de Promotion des Exportation). Parallèlement, de 1997 jusqu’en 1999, « Doura » Sano organise plusieurs salons spécialisés tels que le Salon International du Meuble et de la Décoration (SIMDEC), ‘’Miroir de Guinée’’, la Semaine Commerciale de la Rentrée des Classes (SCORCLASS), etc. dans le cadre des activités du CIEPEX etc….

Le succès appelant le succès, comme le dit l’adage, en Décembre 1995, Abdourahmane Sano pilote la création et l’institutionnalisation de la Foire Internationale de Conakry (FIC) dans le cadre de la diversification des produits de foire en Guinée. La FIC devient la plus importante foire commerciale en Guinée. Sa deuxième édition en 1997 enregistrera vingt-trois (23) pays participants avec près de 450 exposants, dont 200 étrangers. Elle se tiendra tous les deux ans et aura jusqu’à six (6) éditions, avec une moyenne de trois cents (300) exposants, depuis 1995, année de sa création.

De 1995 à 2000, Doura multiplie les partenariats pour la Guinée et signe plusieurs accords de coopération avec des institutions étrangères de commerce pour promouvoir les produits guinéens sur les marchés extérieurs : Centre International du Commerce Extérieur du Sénégal (CICES), Organisation Générale des Foires et Expositions Internationales en Égypte (GOIEF), Foire de Belgrade en Serbie) ;

Abdourahamane “Doura” Sano permet la participation d’exposants guinéens à de nombreuses foires et expositions internationales au Sénégal, Égypte, Japon, Chine, Nigeria, etc.., dans le cadre des activités du CIEPEX de 1992 à 2000. En novembre 2001, Doura organise et anime de nombreux séminaires, ateliers et conférences sur divers thèmes liés notamment au commerce et à l’entreprenariat, dans le cadre des manifestations organisées par le CIEPEX. Il crée et institutionnalise le Salon de l’Automobile de l’Industrie et de l’Agriculture (AIA). Le Salon AIA sera la première foire agricole commerciale créée en Guinée.

De 2003 à 2007, Abdourahmane Sano est chargé par le Gouvernement guinéen, de l’organisation de la 13ème édition de la Foire Commerciale des États membres de l’Organisation de la Conférence Islamique, prévue à Conakry en 2010, sur la base d’un partenariat entre le CIEPEX et le Centre Islamique pour le Développement du Commerce (CDIC). Il s’acquitte avec enthousiasme de cette tâche et dès 2003, Sano initie les entreprises guinéennes à la gestion du Projet de création d’un Parc des foires et expositions internationales, d’entrepôts et de marché de gros des produits agricoles (Marché d’Intérêt National). Les études de ce projet seront financées par l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI) et la Banque Islamique de Développement (BID). Malheureusement ce projet connaît un retard pour contexte politique (2006-2010) et juridique de la Guinée en cette période de troubles politiques.

Sous le régime militaire du CNDD:

La mort du président Lansana Conté en décembre 2008 suivie de la prise du pouvoir de la junte militaire ouvrira un nouveau chapitre de la tumultueuse histoire contemporaine guinéenne.

Sa réputation de travailleur et son intégrité attirera l’attention du Premier ministre de la junte Kabinet Komara qui fera le lobby pour la nomination d’Abdourahamane Sano comme ministre de l’Élevage et de la pêche. Coopté, un peu malgré lui, Abdourahamane Sano rejoindra le régime issu du coup d’état de 2008, après la mort du général Lansana Conté.

Abdourahamane Sano va vite déchanter face à l’amateurisme des militaires et la résurgence des mauvaises pratiques de corruption et de démagogie. Sans compter les interférences dans ses tentatives de remettre de l’ordre dans son département ministériel. Ses efforts pour mettre de l’ordre dans la délivrance des permis de pêche lui attireront des foudres des prédateurs qui chercheront à le mettre en mal avec le bouillant Capitaine Dadis Camara chef de la junte. Mais Abdourahamane tiendra tête et montrera clairement que contrairement aux autres, il a des valeurs et ne tient pas au poste de ministre, si ça devrait compromettre ses principes. Un témoin de la conversation entre Dadis et Sano dira plus tard que Dadis disait toujours à son entourage: “si tout le monde était honnête et travailleur comme Sano ce pays sera développé très rapidement”.

Le massacre du 28 septembre 2009 confirmera sa plus grande crainte et ne lui fera plus hésiter: Abdourahamane Sano sera ainsi le premier à démissionner du gouvernement de Dadis. Ce qui provoquera par la suite plusieurs autres démissions. De son bref passage au gouvernement, Abdourahamane laisse le souvenir de quelqu’un de juste et qui avait à cœur de faire la différence auprès des pêcheurs et éleveurs.

Le régime de la junte sous sanction internationale sera emporté peu après la tentative d’assassinat de Dadis, quelques mois plus tard et en fin 2009.

Dadis sera en exil au Burkina Faso avant l’ouverture de la voie aux élections controversées qui mettront l’opposant Alpha Condé aux commandes de la Guinée en décembre 2010.

Le massacre du 28 septembre 2009, laissera un profond impact sur Abdourahamane Sanoh. Il décide de formaliser son engagement civique dans la conscientisation des jeunes qu’il estime manipulés et “enfermés” dans le piège de la division savamment entretenu par certains partis politiques et “des forces occultes” qui pillent les ressources de l’état. Sano prend ainsi ses distances avec les partis politiques et ne participe pas à la campagne de 2010 qui sera ensanglantée par des violences politiques.

Dans le mouvement de la Société Civile

Gros travailleur, “bourreau de travail” plein d’énergie, Doura a toujours été dans le social pour “réunir les gens”, témoignent ses proches. Que ce soient les associations professionnelles, sociales ou politiques, Doura se donne à fond, en tant que conciliateur, énergique et visionnaire.

Son implication dans le mouvement associatif est donc tout naturelle et commence dès 2011 quand Doura deviendra un des acteurs incontournables du mouvement de la Société Civile qui n’avait pu capitaliser l’unité après les sanglantes grèves de 2006 et 2007 contre le régime de Lansana Conté.

Inquiet comme tout guinéen conscient de la situation délétère en Guinée, il poursuit inlassablement une politique de rassemblement, pendant que plusieurs autres se “positionnent” pour des postes administratifs ou ministériels.

C’est tout naturellement qu’Abdourahamane est élu président de la Plateforme Nationale des Citoyens Unis pour le Développement (PCUD) en 2011. Cette structure depuis son lancement est membre de la société civile regroupant les centrales syndicales, la coalition des organisations de défense des droits de l’homme, la confédération des organisations paysannes, des ordres professionnels, le réseau guinéen des femmes africaines ministres parlementaires, les Organisations de la Société Civile (OSC), organisations de jeunesse et de femmes, les réseaux de communicateurs traditionnels, des universitaires, etc. avec une couverture nationale à travers les OSCs et réseaux locaux affiliés à ses démembrements.

Contre la présidence à vie et pour le respect de la Constitution:

Abdourahamane Sanoh depuis l’arrivée du RPG-Arc-En-Ciel et la polarisation politique qui en a découlé, a toujours su jouer un rôle centriste et éviter de tomber dans le piège de l’ethnostratégie. Ceux qui le connaissent disent que Sanoh n’a “pas une seule goutte d’ethnocentrisme dans son comportement” et cela depuis son enfance.

Vu comme un “empêcheur d’ethnostratégiser en rond” Abdourahamane Doura Sano sera vite dans le viseur des caciques du régime et des extrémistes de l’autre bord. Décider à “diviser pour régner”, des émissaires seront envoyés et de fortes sommes seront proposées à Doura pour rejoindre la coalition régionaliste sur laquelle le pouvoir compte pour se maintenir au pouvoir.

Un de ses cousins, membre des gouvernements successifs sera mis en service pour “convaincre” Abdourahamane Sanoh qui refuse de rentrer dans ce jeu.

Ce qui n’étonne point plusieurs observateurs qui le connaissent.

Doura fédère plusieurs mouvements associatifs et de la société civile. Il devient l’incontournable interlocuteur des problèmes de la nation.

La grève des enseignants en octobre 2018 deviendra un autre point de discorde avec le gouvernement d’Alpha Condé. La PCUD prend fait et cause pour les revendications des enseignants et apportera un soutien total au mouvement du secrétaire général du SLEEG, Aboubacar Soumah lors des négociations avec le gouvernement. Ce soutien fut considéré par les caciques du régime comme “une déclaration de guerre”.

Débordé par le soutien populaire du mouvement syndical le président Alpha Condé convoque Abdourahamane qui lui dit tout haut ce que beaucoup pensent plus bas: “le pays va mal et votre entourage ne vous pas la vérité”, clame haut et fort Sanoh devant un président hébété. Personne n’avait encore jamais osé lui “parler” sur ce ton.

Le président Alpha Condé agacé et inquiet politiquement par l’intransigeance et la popularité de Doura, se vengera publiquement lors du meeting hebdomadaire du RPG le samedi 24 mars 2019 en l’accusant – sans preuve – entre autre de préparer “un coup d’état” avec le franco-israélien Beny Steinmetz. “La grève des enseignants l’année dernière, il y avait quelque chose derrière. C’étaient des gens qui pensaient pouvoir renverser le gouvernement en s’appuyant sur certains militaires. En tête Sanoh de la PCUD, un petit bandit qui n’est même pas capable de payer ses employés”, tancera le président, sous l’ovation des militants du RPG.

Curieusement aucune enquête ne viendra étayer ces accusations graves du président contre Sanoh, qui garde malgré tout son calme légendaire, tout serein.

Prisonnier politique du système guinéen

Le régime du président Condé multipliera les représailles contre Abdourahmane. Le palais du peuple sera interdit à la CIEPEX pour organiser la Foire Annuelle Internationale de Conakry. Ses partenaires d’affaires seront menacés et obligés de prendre leurs distances. Mais Abdourahamane Sanoh n’en a cure. Au contraire, cela renforce sa détermination d’être du “côté du peuple”. Ainsi lors des déguerpissements forcés à Koloma en février 2019, Sanoh mettra la cour de son domicile à la disposition des dizaines de familles chassées de leur domicile, tout désemparées ne sachant où aller.

Le lundi 14 octobre 2019 le FNDC organise une marche géante pour protester contre une éventuelle présidence à vie, qualifiée de “coup d’état constitutionnel”, prônée par les caciques du pouvoir du président Alpha Condé. Cette marche réunit des centaines de milliers de Guinéens, de tout âge et de toutes ethnies confondues. Paniqué, les faucons du régime décident d’arrêter illégalement le leader du FNDC et ses compagnons.

Son épouse Aissatou Bah-Sano décrit l’interpellation de son mari. Une arrestation qui ressemble plus à un kidnapping selon certaines organisations des droits de l’homme. Sans mandat d’arrêt, un groupe de personnes armées jusqu’aux dents, cagoulées se présentent dans des pickups le samedi 12 octobre 2019 au domicile du leader de la société civile à Koloma.

Mon mari était dans la douche, je suis arrivée et dès qu’il m’a vu, il a dit avec un calme olympien: “ils sont venus?” ce à quoi je lui ai demandé: “tu les attendais” et il m’a répondu : “depuis qu’ils ont arrêté les jeunes, je m’attendais à ça”. Puis toujours calmement il a porté ses habits, pris sa ceinture et se mit à mettre ses lacets. Le groupe de militaires montait les escaliers et il n’a même pas levé la tête. Ensuite ils l’ont escorté vers le pickup, ils ont voulu lui mettre une cagoule. Mais Doura Sano a refusé et a exigé que le domestique de la maison qui avait aussi été mis en arrestation soit libéré puisqu’il n’a “rien à voir avec la politique”. Ce à quoi un des officiers a ordonné de libérer le domestique. Et ils l’ont emmené avec eux”. C’est là où j’ai paniqué, car je me disais que je risque de ne plus le revoir vivant !’’

Le 22 octobre 2019, sur ordre du pouvoir, un tribunal de Conakry condamne Abdourahmane Sanoh, coordinateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), à un an de prison ferme.

Sont aussi condamnés: le responsable des opérations du FNDC, Ibrahima Diallo, le responsable des stratégies et de la planification, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry (de l’ONG Destin en Main) et Alpha “Bill de Sam” Soumah à six mois fermes.

Trois autres prévenus seront relaxés: Abdoulaye Oumou Sow, journaliste blogueur, Mamadou Bobo Bah, membre de la cellule Balai citoyen (que dirige Sékou Koundouno) et Mamadou Sano, frère cadet de Abdourahamane Sanoh, interpellé alors qu’il était parti à la recherche de ce dernier.

La foule toute acquise à la cause des accusés va conspuer les juges sous les cris de « justice corrompue ! ».

Les ambassadeurs des pays occidentaux marqueront par leur présence leur soutien à la cause de la démocratie et leur opposition aux tripatouillages constitutionnels.

Le gouvernement sous l’énorme pression de la Communauté internationale fera libérer Doura et ses compagnons le jeudi 29 novembre 2019. Pour sauver la face, le juge ordonnera une “liberté provisoire”.

Un père de famille serein et comblé:

Marié à Aissatou Bah, qu’il a connue à l’OGP, Abdourahamane Sano est le père de 4 enfants : Mariame née en 1992, Fatoumata (1995), Mohamed Ciré (2000) et Cheick Ahmed (2002). Abdourahamane a aussi adopté son neveu Ousmane Dramé (né en 1990).

Abdourahamane Doura Sano est l’archétype du multiculturel guinéen. Il parle les principales langues du pays (Maninka, Pulaar et Sossokhui) en plus du Français et de l’Anglais. Son frère aîné est médecin installé depuis des décennies à Pita qui est devenu sa ville d’adoption.

Abdourahamane Sano est aux dire de ceux qui le connaissent, un homme foncièrement épris de justice et qui ne reste jamais indifférent face à l’injustice ou l’arbitraire.

“Honnête, pas du tout envieux, simple, pas intéressé au matériel, incorruptible, simple dans son comportement”, tels sont les différents qualificatifs que ceux qui connaissent Doura répètent souvent quand ils décrivent l’homme.

A ses heures libres, Abdourahamane Doura Sano fait de la lecture, du sport, du bénévolat, et dévore l’information. Passionné de musique, Doura aime les voyages, et les excursions touristiques.

Abdourahamne Sano est la personnalité de Guinéenews de l’année 2019.

Enquête et profil réalisé par Boubacar Caba Bah pour Guinéenews.

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