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Présidentielle 2020 en Guinée : l’impasse postélectorale

Cette impasse vient de la volonté des deux candidats favoris sur les douze en lice, Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo, d’être chacun le vainqueur de l’élection du 18 octobre passé. Le premier tirant son avantage de sa main basse sur tous les moyens d’État, notamment la Cour constitutionnelle, la Céni, les forces de défense et de sécurité ; tandis que la position du second se justifie essentiellement par le nombre de ses partisans politiques et des alliances que son parti a pu tisser avec d’autres acteurs politiques du moment.

Convaincu qu’Alpha Condé, en tant que principal protagoniste d’une nouvelle Constitution lui permettant de briguer un troisième mandat, n’a pas organisé cette élection pour la perdre, Cellou Dalein Diallo, dans un état d’esprit de vainqueur tente alors de le devancer en s’autoproclamant gagnant du scrutin dès le lendemain du vote, avant même la fin du décompte des voix. Un acte naturellement rejeté avec énergie par le pouvoir qui ne tolère pas qu’on vienne briser son rêve le plus cher et qui a coûté très cher aux guinéens en nombre de morts et de blessés, c’est-à-dire la présidence à vie.

Mais la stratégie de Dalein peut être analysée comme une volonté d’occupation de l’espace médiatique, de pousser le pouvoir vers un combat défensif quand lui-même reste offensif, et d’infliger une surpression sur la Céni et la Cour constitutionnelle, jugées favorables au pouvoir sortant. Bref, Dalein s’engage à utiliser contre le pouvoir les méthodes qui sont les siennes, aussi illégales soient-elles. Faut-il d’ailleurs rappeler qu’Alpha Condé avait précédé exactement de la même manière en 2010, en se déclarant vainqueur de l’élection présidentielle avant le verdict de la Céni. Ainsi, sur le plan de la violation des principes démocratiques, on voit mal dans ce cas, une partie faire des reproches à l’autre sans paraître ridicule.

Ce qu’Alpha Condé et Cellou Dalein savent pertinemment sans le dire publiquement, c’est l’instrumentalisation de la Ceni et de la Cour constitutionnelle dans cette élection. Chacun d’entre eux est convaincu que la Céni dans sa configuration actuelle fera tout pour favoriser le candidat sortant et que la Cour constitutionnelle lui emboîtera aussitôt les pas. Ils ne portent pas le même degré de confiance dans ces deux institutions d’arbitrage du vote passé. Ce sentiment de défiance face à l’autorité judiciaire est et sera en toute vraisemblance, la source d’interprétations unilatérales des résultats du vote et par conséquent l’une des plus importantes causes de la crise postélectorale que la Guinée est en train de vivre.

C’est dire à quel point le vote est lui-même devenu un instrument au service de la volonté des uns pour se maintenir au pouvoir et au service des autres pour le conquérir. Le tout sur fond de détournement du sens du vote populaire mais aussi de la négation de son authenticité qui risque de ne jamais être connu du public.

Dans cette ambiance chaotique, ce qui prend un coup fatal c’est bien la démocratie et l’espoir des populations de vivre en paix. La politique jette un venin nuisible sur la société en Guinée, et avec la complicité des institutions internes de sa régulation, à savoir la Céni et la Cour constitutionnelle. Cette politique à la guinéenne empêche la société de respirer et d’évoluer depuis bien longtemps.

Quelles solutions pour mettre fin à ce cauchemar qui risque de s’aggraver ?  

Il y a très peu d’espoir que la crise soit résolue par les mécanismes internes tant ils sont discrédités. Le recours à la médiation de la Cedeao peut être envisagé pour bon nombre d’observateurs. Mais cette piste a des limites à son tour, compte tenu en particulier de la déchirure de cette organisation entre les partisans d’une Cedeao des peuples et d’une Cedeao des chefs d’Etat regroupés dans une figure assimilable à un Syndicat.

L’impasse est donc totale en Guinée après le 18 octobre et le retour à la normalité plus que jamais incertain à cause de la radicalisation des deux principaux candidats à cette élection et des clivages ethnico-communautaires qui ne font que se creuser. La société guinéenne est piégée par la manière d’y faire la politique pour le malheur de la grande majorité et le bonheur d’une poignée de radicaux qui ne rêvent que du chaos pour prospérer. C’est terriblement triste !

Face à la persistance de l’impasse deux scénarios peuvent se présenter : soit le scénario Dadis, c’est-à-dire que les partisans de Dalein dans leur volonté de l’imposer se confrontent aux « forces de l’ordre » qui n’hésiteront pas de tirer à balles réelles sur la masse, ce qui les conduit ainsi à commettre un ignoble crime contre l’humanité ; Ou alors le scénario malien, quand l’armée décide de s’inviter dans la danse pour récupérer le pouvoir et pour l’exercer un certain temps. Je ne souhaite ni l’un ni l’autre. Ce que je demande avec vigueur, c’est que les institutions de ce pays se montrent dignes de la confiance du peuple et tranchent en faveur de ce qui est juste.

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