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Problématique de la réconciliation en Guinée : El. Facinet Sylla fait l’autopsie de la situation

La question sur la réconciliation nationale a été abordée dans l’émission « Sans Concession » de Guinéenews qui recevait ce mardi 15 septembre Elhadj Sény Facinet Sylla. Et c’est avec intérêt, l’ex-secrétaire général adjoint aux Affaires religieux a abordé le sujet, avec son statut de membre du comité provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale, mis en place par le président Alpha Condé. Votre quotidien électronique vous propose ici la transcription des réponses données sur ce sujet par ce religieux dont le franc-parler tranche avec la démagogie générale habituelle en Guinée.

« La commission nationale de réflexion sur la réconciliation est une activité qui a créé beaucoup d’espoir chez les Guinéens. Lorsque le président de la République a pris l’engagement face à la communauté internationale de prendre des mesures pour que le contentieux soit apuré et il a mis en place depuis août 2011 la fameuse commission. Je vous avoue que cela a créé énormément d’espoir chez les Guinéens. Parce que pour moi et beaucoup de Guinéens, la pesanteur principale qui empêche les Guinéens d’évoluer vers l’émergence. L’une de ces pesanteurs, c’est le manque réconciliation. Donc, nous avons fondé beaucoup d’espoir sur ce programme. La communauté internationale nous a accompagnés. Je dis de passage que c’est un projet qui a été financé par le fonds de consolidation de la paix des Nations Unies. Sur le plan technique, nous avons été accompagnés par le PNUD et par le haut Secrétariat aux droits de l’homme. Nous avons fait un travail extrêmement intéressant parce que nous avons développé à travers tout le pays une consultation nationale pour recueillir les avis, les opinions et les attentes des populations, leurs sentiments sur l’état la brouille dans le pays, mais aussi leurs sentiments sur ce qu’ils considèrent être les voies et moyens d’aller à la réconciliation. D’ailleurs, cette consultation ne s’est pas limitée qu’à la Guinée. La diaspora a été aussi consultée. Il y a des plateformes puisque nous n’avons pas pu obtenir les moyens financiers de nous déplacer pour aller dans les chancelleries étrangères. Au départ, cela a été prévu mais, les moyens ont manqué. Néanmoins, nous avons mis en place des plateformes pour interroger. Et la diaspora guinéenne s’est effectivement et massivement exprimée là-dessus. Donc de toutes ces réponses, nous avons sorti un rapport que les partenaires au développement ont jugé extrêmement intéressant. Mais, j’avoue que depuis que le rapport a été remis en juin 2016, un blocus a été observé. Je ne sais pas exactement pour quelle raison. Mais lorsque nous avons remis le rapport, le président de la République a chargé le Premier ministre d’alors de faire en sorte que les mesures d’application des recommandations soient prises. Nous, en tant que commission, nous avons été rappelés à la Primature pour travailler avec les techniciens de cette institution. Nous sommes allés jusqu’à l’élaboration d’un avant-projet de loi de mise en place de la commission définitive de réconciliation nationale. Puisque la recommandation principale que toutes les populations ont appelé de leurs vœux, c’était qu’il soit mis en place et dans les brefs délais, une commission nationale qui va se charger de mettre tous les mécanismes nécessaires pour la réconciliation nationale. Donc nous sommes arrivés à la phase de la préparation d’un avant-projet de loi… L’une des mesures que les populations ont aussi recommandées, c’est que la commission ne soit pas mise en place par décret. Les populations dans leur majorité ont demandé à ce que la mise en place de la commission de réconciliation nationale se fasse par la voie législative. C’est pourquoi je parle d’avant-projet de loi.  Cet avant-projet de loi aurait dû être en conseil interministériel puis en conseil ministériel et peut être après, s’il était adopté en conseil ministériel, il aurait pu être envoyé à l’Assemblée nationale pour vote et adoption. Le processus s’est arrêté au niveau de l’avant-projet de loi. Voilà donc où on en est depuis 2016. Aujourd’hui, nous sommes en 2020 et pratiquement on n’en parle plus. Mais ce que je puis dire comme commentaire, c’est qu’on peut parler de réalisations du président de République, mais je suis sûr, pour avoir participer activement à ce processus, et pour avoir eu mesuré les attentes des populations. Si ce processus avait été conduit à terme, il n’y aurait eu aujourd’hui plus d’acquis dans le bilan de la gouvernance actuelle que cette réconciliation-là. Mais les choses sont ce qu’elles sont. Je ne sais pas pourquoi on est restés là. »

A la question de savoir s’il y a des engagements non tenus de la part des autorités, l’invité de « Sans Concession répond : « bien sûr que oui. Parce que de toutes les façons, face à la communauté internationale, c’était de mettre ensemble les filles et les fils de Guinée. Et cela ne pouvait se faire que par le biais de la réconciliation. Mais cela n’a pas été fait. Peut-être que les priorités étaient ailleurs, peut-être au niveau de l’énergie… »

Et réaction à la remarque selon laquelle les membres du comité auraient dû faire de démarches auprès du président de la République pour demander où on en est avec le projet, M. Sylla déclare que : « on est allé vers le président de la République. »

Puis de rappeler : « c’est lui qui a mis la commission en place en toute souveraineté. Il n’a pas été obligé. Il a pris un engagement face à la communauté internationale. De façon volontaire, il a mis la commission en place. Personne ne le lui a demandé ici en Guinée. Nous avons fait le travail que nous lui avons remis et il a apprécié personnellement. Et plusieurs fois nous sommes revenus à la charge. Pas que nous travaillons directement avec la personne du président de la République. Mais il a un cabinet, il a des conseillers qui sont autour de lui. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec ses collaborateurs. Ce n’est pas quelque chose de caché. Au fait moi, si je mets une commission en place, si ça me tient à cœur, je n’ai pas besoin qu’on vienne me le rappeler tout le temps… Donc, il ne faut pas croire qu’on a failli et que quand on a donné le rapport, on s’est assis et croisé les bras. Notre honneur à nous, c’est de voir ce travail accompli. Nous ne demandons pas mieux que de poursuivre le travail (…) Nous sommes des religieux. Nous considérons la réconciliation comme une démarche de foi. C’est une démarche citoyenne. Mais c’est surtout pour nous les religieux une démarche de foi. Alors c’est avec amertume que nous constatons que nous avons fait un travail de cette envergure qui soit resté à ce niveau. »

Concernant sa foi en une réconciliation future en Guinée, il répond : « le religieux a foi. Bien sûr, le temps viendra que la Guinée… mais si nous ne nous réconcilions pas, nous n’avancerons pas. Il m’est arrivé que les gens me demandent mais pourquoi vous les Guinéens, pris individuellement, vous êtes brillants dans les universités, vous êtes brillants dans les entreprises. Mais comment n’arrivez-vous pas à mutualiser votre énergie, votre intelligence pour vous mettre au service du développement du pays ? La raison, c’est parce qu’on est divisé, c’est parce que nous ne nous entendons pas sur l’essentiel. Notre développement passera par la réconciliation ou ne se fera pas du tout. Je suis formel là-dessus. Mais quand vous me demander si j’ai foi en ce que cela arrive un jour, naturellement j’ai foi que cela arrivera un jour. Mais la vie n’est pas statique. Et surtout, au-delà du travail technique et scientifique que nous avons fait, nous continuons de prier. Pour que Dieu touche les cœurs des Guinéens pour les débarrasser des pesanteurs qui les maintiennent à ce niveau parce que, je vais vous dire une chose. Pour que nous allions au développement, il faut créer les conditions du développement. Et cela passe par la libération de l’esprit des Guinéens de trois choses. Il faut que le Guinéen se libère de l’ethnie, de sa région et de sa religion. Quand je dis se libère de sa religion, cela ne veut pas dire qu’il abandonne sa religion. Mais je vous dis, tant que nous n’aurons pas réussi à faire la réconciliation à travers la libération de l’esprit du Guinéen de ces trois pesanteurs, nous allons faire du surplace. »

 Quant aux différentes opinions sur les différentes étapes devant aboutir à la réconciliation, l’invité de « Sans Concession », explique : « c’est une question de démarche. Si le principe est acté, sur les démarches, il est possible de s’entendre. On ne peut pas réinventer la roue (…). Nous ne sommes pas le premier pays à tenter l’expérience de la réconciliation. Dans notre travail de consultation, nous nous sommes inspirés des expériences de l’Afrique du Sud, du Maroc, du Togo. Nous avons fait des voyages. Nous avons consulté des personnalités dans beaucoup de pays qui ont eu à faire ce travail. Ce qui est sûr, c’est que la réconciliation est comme une boîte à outils. Cela veut dire qu’on utilise l’outil qu’on croit être le mieux approprié pour une circonstance donnée.  Mais ce qui est constant, c’est que pour arriver à une réconciliation, il faut que la vérité sur les gâchis soit connue. Ce qu’on appelle dans la boite à outils, le droit à la vérité. Il faut connaître la vérité. Et quand la vérité est connue, il faut rendre justice. Cela est un autre fondamental dans la boite à outils. Troisièmement, il faut dédommager. Ensuite, il faut la réforme des institutions. Ce sont ces quatre piliers qui sont constants dans la boite à outils. Maintenant, dépendamment des circonstances, des réalités culturelles et sociopolitiques de chaque pays, on peut commencer par ceci ou cela. Il nous avait été demandé d’ailleurs au cours de la consultation de chercher à gérer les cas les plus criards. Par exemple ce qui est arrivé en 2009 au stade du 28 septembre. Même si d’autres ns pensent qu’il faille passer par ceci ou par cela. Ce n’est pas ce qui fait qu’on ne soit pas allé à la réconciliation.  C’est que c’est le principe même qui n’a pas été accepté par l’autorité. C’est tout. Donc si un jour, les conditions optimales pour aller à la réconciliation sont réunies, la question de la démarche peut être réglée au plus vite de mon point de vue. »

A propos de la période que couvraient les travaux de la commission provisoire, il précise ceci : « pour un travail de cette importance, il faut absolument le circonscrire dans le temps. Sinon, on ne s’en sortira pas. Donc nous avons fait un travail pour couvrir la période de l’indépendance en 1958 à 2015 (…). Nous nous sommes intéressés aux crimes et aux problèmes graves qui se sont déroulés durant cette période indiquée… »

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