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Que sont-ils devenus? Cheick Penor, vie, oeuvre et perspectives de l’artiste

« Ce qui m’a choqué est de voir sur scène des orchestres nationaux des pays invités pendant que nos orchestres pionniers de cette sous-région, n’y étaient pas…’’

À l’état civil, il s’appelle Traoré Sékou alias Cheick Penor. La rédaction de Guineenews.org  est allée à la  rencontre  de ce musicien à son domicile sis au quartier Gbessia Cité. Une heure avant l’annonce du décès du désormais feu Ansoumane Condé ‘’Petit Condé’’ (le 15 juin 2020, ndlr) qui fut son manager et son arrangeur.  Cheick Penor  est né en 1958 à Faranah. Il est le fils de feu Moussa et de Maniamba Condé. Marié à une femme, ce musicien est aujourd’hui père de quatre (4) enfants, toutes des filles.

Sékouba Traoré alias  ‘’Cheick Penor’’ a fait ses études primaire, secondaire, le lycée et universitaire dans son Faranah natal. Il est diplômé de l’Institut supérieur Agronomique, Valery Giscard Destin de Faranah. Après une spécialisation en Égypte, il revient en qualité d’Ingénieur Agronome, spécialiste en culture cotonnière.

Fonctionnaire d’Etat au Ministère des Sports, de la Culture et du Patrimoine historique, il est actuellement Directeur général adjoint de l’Office de Gestion des Ensembles Artistiques Nationaux (OGEAN).

Très sobre, intellectuel et aussi respectueux, le seul  propriétaire des fétiches titres éponymes ‘’Kéléya’’ et ‘’Londonya’’ du sankaran profond, nous explique sa plongée dans la musique, relate ses souvenirs,  énumère sa discographie. Très croyant, Cheick Penor nous dévoile son carnet de santé et lance son cri de cœur.

Guineenews© : Comment êtes-vous venu à la musique et décrivez-nous votre parcours ?

Cheick Penor : Sachez avant tout que je suis issu du côté maternel d’une famille griotte. Ma mère est ‘’dyibamin Condé’’. Je suis donc née dans cette famille de griots où j’ai côtoyé mon oncle Blaky qui était membre de l’orchestre fédéral de Faranah. C’est ainsi qu’avec mes camarades de l’école, nous avions appris à chanter avec lui. J’ai donc appartenu tout au début dans les années 1970 aux petits groupes musicaux des écoles, notamment le Benda Band et le City Band. C’est dans les années 1972-1973, que j’ai intégré l’orchestre fédéral de Faranah, en qualité de chanteur. Toute ma carrière est intimement liée à cet ensemble orchestral.

Après une formation professionnelle continue en Belgique toujours dans le domaine agricole, j’ai quitté ma ville natale Faranah pour me retrouver à Dubréka, où j’ai servi pendant près de 6 ans. Il faut signaler qu’en ce moment, les orchestres fédéraux commençaient à se désagréger pour manque d’instruments de musique. Donc, le relâchement était total à ce niveau. À Dubréka, j’ai pratiqué la musique de façon temporaire car il n’y avait pas de musiciens aguerris et engagés pour la pratique. Sinon, Monsieur Moussa Kènèndé avait doté la préfecture d’instruments de musique et malheureusement il y avait la rareté de musiciens compétents.

Plus tard, c’est en 1990 que j’ai été affecté à Conakry. Et directement, j’ai intégré le groupe standard de Petit Condé. Certes j’évoluais aussi comme on aime le dire en ‘’Ninja’’, avec quelques groupes musicaux de la capitale.

En ce moment, seul le groupe standard était vraiment en pleine activité et comme Petit Condé était mon arrangeur et maitrisait parfaitement bien mon répertoire, je n’ai pas trouvé mieux que de rejoindre ce groupe.

Guineenews©: Pouviez-vous nous parler de votre discographie ?

Cheick Penor : Au départ en 1980, j’ai réalisé un disque 33 tours avec la maison Syliphone dénommé ‘’les messagers du Niger’’.  Dans l’évolution de ma carrière solo, j’ai produit deux autres (2) albums. En 1998, il y a eu la sortie du premier album ‘’Kéléya’’. Dix ans après en 2008, j’ai mis sur le marché l’album ‘’Londanya’’. En somme pour l’instant, j’ai un (1) 33 tour et deux (2) albums.

Guineenews© : Pouvez-vous nous relater dans votre parcours un beau et un mauvais souvenir qui vous hante jusque-là ?

Cheick Penor : Mon plus beau souvenir remonte lors d’un festival où je suis venu avec l’orchestre fédéral de Faranah. Et dans notre répertoire se trouvait le morceau fétiche ‘’Sakonkè’’. Ce qui m’a marqué, c’est le fait qu’à la demande du public du palais du peuple et en présence de feu président Ahmed Sékou Touré, ce titre a été repris par 3 fois. Ce souvenir me reste encore.

Le plus mauvais souvenir est la dernière fois que je suis tombé malade en 2019. Je n’ai pas cru un moment que j’allais retourner vivant après mon évacuation sanitaire. Beaucoup de choses ont défilé dans ma tête en ce moment précis.

Guineenews© : Parlant de votre état de santé, beaucoup de rumeurs ont couru sur les causes de votre maladie et qu’en dites-vous ?

Cheick Penor : en tant que croyant et bon musulman, je ne peux que m’en remettre au Bon Dieu. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de remercier la maman des ‘’sans mamans’’ qui est Madame Mariame SOGUIPAH. Grâce à elle, mon évacuation sanitaire sur Dakar a eu lieu.

Guineenews© : Quel est actuellement le contenu de votre carnet de santé ?

Cheick Penor : Je suis avancé en âge et je ne pourrai pas affirmer que tout va bien à 100%. Je me porte apparemment bien et remercie le Bon Dieu.

Guineenews© : Après tout ce parcours, qu’est-ce que la musique vous a apporté et quelles sont vos sources de revenus ?

Cheick Penor : La pratique de la musique ne m’a apporté que du bonheur puisque à notre temps, l’argent n’avait pas sa place. Nous nous sommes investis pour le développement de la culture. Donc, nous avions servi la nation et je m’en réjouis de la notoriété que cela me procure aujourd’hui.

Pour mes sources de revenus, je suis salarié de la fonction publique, donc je vis de mon salaire. Par ailleurs, je reçois correctement mes droits d’auteur provenant du BGDA. Minime certes qu’il soit, je bénéficie aussi du revenu de mes prestations en compagnie du Groupe standard lors des soirées à Goundobaya et à la Paillote.

Guineenews : Sur le plan musical, avez-vous des perspectives ?

Cheick Penor : Sur le plan musical, je suis en train de me battre pour trouver un financement afin de pouvoir mettre mon album sur le marché. Avec l’âge, la musique, c’est la sagesse. Quand l’artiste tend vers la vieillesse, c’est en ce moment qu’il doit toujours penser à donner de bons produits pour la postérité. La maquette est toute prête et comporte 12 titres. Tout le problème se situe au niveau du financement.  En compagnie du Groupe standard, nous projetons aussi de mettre sur le marché un autre album.

Guineenews©: Aujourd’hui, vous avez certainement un cri de cœur que vous aimeriez mettre sur projecteurs ?

Cheick Penor : Ce que je regrette un peu, je viens d’assister au festival MASSA en Côte d’Ivoire, où je faisais partie de l’équipe de coordination des ensembles dont nous avions eu l’opportunité et l’honneur d’accompagner et d’encadrer à ce festival.

Ce qui m’a choqué est de voir sur scène des orchestres nationaux des pays invités pendant que nos orchestres pionniers de cette sous-région, n’y étaient pas. L’orchestre national du Sénégal m’a impressionné ainsi que ceux des autres pays présents à ce rendez-vous. Présentement, la Guinée n’a plus d’orchestre national. Tout a disparu et essayer de mettre un, deux ou trois orchestres nationaux serait salutaire. Le plus souvent, quand tu dis la vérité, c’est un délit et c’est là le mal en Guinée. Sinon aujourd’hui, même les festivals auxquels nous assistons présentement sont différents des autres du temps passé, au point de vue qualité de prestations et de contenus.

Au niveau des quinzaines artistiques reconnaissons-le et osons l’affirmer que les préparatifs sont assez brusques. Préparons la source et quand la pépinière est préparée, je crois que la culture sera fructueuse. Aujourd’hui, à l’intérieur du pays, il n’y a pas d’orchestre, la musique n’existe plus. Les quinzaines artistiques sont mal préparées. Comment voulez-vous que les festivals réussissent et que cette nouvelle génération s’imprègne  de sa propre culture. Il faut doter comme par le passé ces préfectures d’instruments de musique. »

Après avoir écouté cet artiste, aujourd’hui, on peut dire que la racine principale de notre culture en matière d’orchestre, c’est le groupe standard. C’est pourquoi la maladie de cette virtuose de la musique guinéenne (Petit Condé, paix à son âme, ndlr) nous inquiète. Il ne faut pas que le petit là nous quitte. NON ! Il est notre métronome autour du quel tourne pleins d’anciens musiciens. Hélas ! Cheick Penor ne sera pas entendu. Et par la volonté de Dieu, une heure après cet entretien, la mauvaise nouvelle est tombée et Ansoumane Camara ‘’Petit Condé’’  s’en est allé pour de bon.  Paix à son âme.

Entretien réalisé par LY Abdoul

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