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Que sont-ils devenus? Culture guinéenne : Mamadou Aliou Barry saxophoniste, tire la sonnette d’alarme

Mamadou Aliou Barry alias ‘’Maitre Barry’’ pour les intimes, est né le 15 novembre 1947 à Conakry. Fils de feu Mamadou Oury et de feue Mounina Sacko, il est marié à une femme et père de 7 enfants dont 3 filles et 4 garçons.

Maitre Mamadou Aliou Barry a fréquenté l’école primaire de la Mission Catholique de Tombo, et après le collège, il fut enrôlé pour suivre pendant 2 ans la formation d’enseignant, à l’internat au Lycée technique de Donka.

Mamadou Aliou Barry pour sa première expérience dans le domaine de l’ Education, sera affecté tout jeune à Forécariah, où il servira pendant 2 ans dans les écoles primaires de Tatagui 1, Koutoumania et plus tard, il rejoindra Fanyé, situé à 20 Km de Forécariah.

Citadin et très agacé par la vie du village, Maitre Barry va déserter Fanyé, pour se réfugier à Conakry avec de solides arguments auprès des parents. Ainsi, avec l’aide des parents et proches, il sera de nouveau affecté à Coyah, puis à Manéah, une suite logique de l’itinéraire, pour le retour souhaité dans la Capitale Conakry. Pendant 3 ans, il servira à Manéah où, il a commencé à apprendre le saxophone auprès du grand Maitre Martiniquais feu Honoré Coppet.

Habitant à Kaloum, dans la section du 3ème arrondissement et tâtonnant plus ou moins sur le saxo, il sera sollicité par la formation orchestrale de cet arrondissement au moment de la quinzaine artistique.

Séduites par ses prestations, les autorités politiques et administratives vont engager tous les efforts possibles pour obtenir l’affectation définitive à Conakry, et précisément à l’école de la Mission Catholique de l’enseignant-musicien, Maitre Mamadou Aliou Barry.

L’enseignant-musicien servira encore pendant plusieurs années à Conakry, avant de faire valoir ses droits à la retraite en 1984, après 43 ans de service.

Votre site électronique Guineenews a rencontré au Centre Culturel Franco Guinéen (CCFG), Maitre Mamadou Aliou Barry, saxophoniste, ex chef d’orchestre du Kaloum star de Conakry 1 et fondateur du groupe African Groove.

Dans cette interview, Maitre Barry retrace son parcours de musicien, depuis l’apprentissage du saxo auprès de son Maitre feu Honoré Coppet à Manéah; en passant par la formation musicale de la section du 3ème arrondissement et sa venue dans le Kaloum star de Conakry 1.

Souvent aussi sollicité par presque toutes les formations nationales orchestrales de Guinée pour des prestations, le Maitre multi-instrumentiste garde encore en beau souvenir, une de ses prestations à Paris.

Conscient de la disparition progressive de la section vent, qui constitue un soutien incontournable dans la structure d’arrangement musical, Maitre Barry tire la sonnette d’alarme et attire l’attention de la jeune génération afin d’assurer la relève car, dit-il ‘’mieux vaut tard que jamais’’.

Maitre Mamadou Aliou Barry se verrait partant pour un projet de création d’un orchestre national de Guinée. Selon le constat et vu le sommeil profond dans lequel sont plongés nos formations nationales, si la possibilité se présentait, avec une structure doté de tous les moyens, il s’engage et reste disponible pour servir la culture guinéenne.

Maitre Barry relate dans cette interview, son immense contribution à la formation et à l’encadrement des jeunes musiciens, dévoile ses sources de revenus et lègue de précieux conseils à la jeune génération qu’il qualifie pour la plupart de ‘’musiciens d’avoirs’’.

Lisez !

Guineenews© : Vous vous êtes retrouvé dans l’enseignement non pas par amour ni par passion pour ce métier. L’agréable a dominé l’utile. Aujourd’hui saxophoniste de renom, comment êtes-vous venu dans la musique ?

Maitre Barry : C’est une très belle question. Pour la petite histoire, mon père (Paix à son âme) fut un musicien. Il a joué en compagnie de feu vieux Gadiri à Kindia, il faisait l’harmonica, l’accordéon et la batterie. C’est ce même virus qui m’a piqué bien entendu que j’avais les rythmes dans la peau.

J’étais membre de la troupe artistique de mon quartier et jouais au dyembé. Je fus même sélectionné pour appartenir aux Ballets Africains et ma mère s’était opposée à cela.

Qu’est ce qui m’a poussé à faire la musique ? C’est bien feu Kèlètigui Traoré, qui m’a ensorcelé et m’a donné le goût du saxophone. C’est lui que j’ai vu jouer avec un sax ténor argenté. Ce  jour, il était habillé en chemise bleu marine, une cravate rouge serré au cou. Après la prestation de notre troupe à la Fédération de Conakry 2, j’étais assis dans un coin et je l’ai contemplé et il m’avait fasciné. Et c’est ce jour-là, j’ai décidé d’adopter cet instrument.

Plus loin, déjà motivé pour l’apprentissage du saxo, je suis venu pendant les vacances à Conakry, rencontré le Maitre Honoré Coppet qui était aussi un excellent saxophoniste. Il m’a facilité la tâche, sauf que je n’avais pas à disposition l’instrument. J’ai engagé mon salaire d’enseignant pour payer un saxophone, qui est resté avec moi à Manéah où je servais en ce moment. Le maitre Honoré Coppet venait chaque dimanche à Manéah pour ma formation dont je prenais en charge tous les frais y référant et il retournait vers le soir à Conakry.

Durant l’anné scolaire, j’avais pu maitriser un bon nombre de titres au saxo, tels ‘’Mafory Bangoura’’, ‘’sogé nè téma’’ entre autres. Et à chaque fois que le maitre venait, j’ajoutais dans mon capital de répertoire, un à deux titres. C’est ainsi, j’ai décidé d’organiser des soirées dansantes à Manéah avec mon saxo, accompagné d’un joueur de dyembé. J’ai animé longtemps le coin à travers les bals poussières.

Quand mon maitre a compris que je pouvais m’envoler seul, un jour il m’a fait cette confidence « … écris et tu gardes, même si, je ne suis pas là, un jour tu vas être un saxophoniste… ». Cette motivation est demeurée en moi et jusque-là où je suis, ces phrases résonnent encore dans mon esprit et me revigore.

J’ai été plus tard recruter dans l’orchestre de la section du 3ème arrondissement ‘’Gbassikolo jazz’’ bien qu’étant en service à Manéah. C’était de bonne guerre puisque je voulais revenir à Conakry et c’était l’ultime occasion à ne pas rater.

C’est à la mise en place de l’orchestre fédéral de Conakry 1, que je fus transféré comme membre de l’orchestre fédéral de Conakry 1 et finalement, j’ai été proposé chef d’orchestre du Kaloum star de Conakry 1 par la commission technique culturelle. Voilà en bref, résumer mon parcours.

Guineenews© : Votre vie de musicien est intimement liée à celle de la formation fédérale le Kaloum Star de Conakry1. Décrivez-nous vos quelques passages dans d’autres formations orchestrales ?

Maitre Barry : Si je me résume, j’ai presque fait tous les orchestres nationaux, puisque j’étais un élément incontournable dans la mesure où, il fallait à chaque fois mettre un instrumentiste à vent sur le plan international pour honorer la musique guinéenne à l’étranger. J’ai fait le festival de Cuba avec l’orchestre Kèlètigui, celui de Lagos en compagnie du Boiro band et plusieurs autres tournées nationales et internationales en compagnie du Bembeya jazz national. Sans compter que j’ai toujours accepté d‘imprimer mes touches sur plusieurs albums des artistes guinéens.

Guineenews© : 53 ans de musique, racontez-nous un beau et un mauvais souvenir qui vous revient à chaque instant ?  

Maitre Barry : Je vous remercie et je parle sous le contrôle d’un grand journaliste, qui fut ministre de la Communication, il s’agit de Justin Morel Junior. Pendant que j’étais Directeur technique des Amazones de Guinée, nous avions presque fait le tour du monde.

Quand nous sommes arrivés à Paris, l’UNESCO a sollicité les prestations de cet ensemble. Lors de cette soirée et pendant la pause, il y avait un orchestre brésilien dirigé par une femme aux claviers qui animait la salle. Chatouillé par le genre musical rumba propre à la Guinée, que cet ensemble interprétait, j’ai tout de suite pris le saxo d’une de mes élèves des Amazones, pour me jeter sur scène en improvisant des solos de saxo, qui ont ébloui tout ce public présent. J’ai joué aisément avec ce groupe et ce souvenir reste indélébile.

Quant au plus mauvais souvenir, c’est le jour où j’étais en pleine répétition avec l’orchestre du 3ème arrondissement, pour les préparatifs de l’arrivée du feu Président Sékou Touré dans le cadre de l’inauguration de la section. C’est ce jour-là, qu’on m’a annoncé le décès de ma mère et pendant que nous devrions jouer le lendemain. C’est après l’enterrement que j’ai pleuré ma mère, et je lui ai rendu hommage en assistant à ce spectacle, puisqu’elle avait aimé et soutenu ce que je faisais en matière de musique. J’ai joué ce jour larmes aux yeux, pour faire plaisir pour la dernière fois à ma mère. C’est un autre souvenir certes amer dont je garde.

Guineenews© : Il est évident que la section vent a disparu au niveau de nos formations orchestrales qui, à leur tour ont tous presque décliné. Quelles sont les dispositions pratiques à envisager pour enfin ressusciter ces sections vent ?

Maitre Barry : Je suis sûr et certain que la race ou la denrée commence à disparaitre et mieux vaut tard que jamais.

Je m’adresse à la relève, à tous ces jeunes musiciens, de prendre le temps d’apprendre les instruments à vent car la race est en terrible disparition dans la sous-région et principalement dans notre pays. Nous avons eu des célébrités, la liste est longue et qui ne sont plus parmi nous (paix à leurs âmes).

Vous savez la présence d’une section vent dans un orchestre, oblige de faire la structure dans les arrangements. Pour qu’il y ait des interventions dans les morceaux, il faut forcément des partitions de la section vent au début, au milieu et à la fin. Donc, cette structure doit être respectée dans les règles. La solution de faciliter fait qu’aujourd’hui que les gens peuvent jouer sans penser à faire une structure. On introduit le morceau, suit le solo et ensuite la clôture est faite. Donc, les instruments à vent n’ont plus de place.

Les jeunes se sont dit que c’est un instrument très difficile à apprendre et qui a un impact selon leur avis sur la santé. Ils s’orientent tous vers la guitare, la batterie et le chant, options dans lesquelles la formation est plus rapide. Il n’est pas possible de former un saxophoniste ou un trompettiste en un court temps.

Quatre-vingt-dix pour cent des dispositions à prendre doivent relever des autorités en charge de la culture. Il faut mettre les moyens, il faut acheter les instruments, mettre en place des structures et les conditions qui permettent aux anciens encore vivants, de léguer leurs connaissances à travers les formations théoriques et pratiques.

J’ai été proposé d’aller donner des cours à l’actuel Institut des Arts Mory Kanté de Dubréka. Le matériel fait défaut. Pour un si grand nombre d’étudiants, ce n’est pas avec 2 ou 3 saxophones qu’on peut assurer les cours pratiques. Il faut penser aussi à la santé des uns et des autres pour ne pas utiliser les mêmes instruments à chaque moment. On peut partager le piano, la guitare, la batterie. Ce n’est pas normal d’utiliser un seul ou deux instruments à vent pour tout un monde.

Aujourd’hui, on fait une musique avec les claviers, et on veut essayer de remplacer toutes les partitions des instruments à vent par le clavier. Ce qui est aberrant. Il y a cette respiration de l’être humain sur l’anche, sur l’instrument à vent que le clavier ne pourra jamais imiter. Le clavier le fait de façon superficielle et les notes sont généralement toutes colées et se ressemblent presque toujours.

Guineenews© : Nos orchestres nationaux existent aujourd’hui de par leurs glorieux noms. Que diriez-vous d’un projet de création d’un orchestre national de Guinée à l’image d’autres pays de la sous-région ?

Maitre Barry : Si toutefois la possibilité s’offrait, et qu’on nous accordait mains libres et les moyens nécessaires, je crois que c’est une bonne idée, qui pourrait combler le vide qui s’élargit de jour en jour.

C’est là où je tire le chapeau pour Monsieur Mamadouba Diabaté, Secrétaire général du ministère de l’Information et de la Communication de l’époque qui avait initié la même idée, jusqu’à mettre sur pieds une structure adéquate. Malheureusement, les herbes lui ont été coupées sous les pieds.

C’est important d’avoir un orchestre national. C’est comme une école car la première des choses va être la formation théorique et pratique des musiciens qui seront recrutés. Nous sommes toujours prêts et disponibles à servir culturellement le pays.

Guineenews© : Sous quel angle contribuez-vous aujourd’hui à la formation de cette nouvelle génération ?

Maitre Barry : J’ai toujours une philosophie dont je soutiens et qui dit, qu’il vaut mieux perdre une minute dans sa vie, que de perdre sa vie en une minute.

Au jour d’aujourd’hui, ma contribution est immense sur le plan culturel au niveau de la génération actuelle et même celle qui vient un peu avant.

Directeur technique des Amazones de Guinée, j’ai participé à leur formation et à la réalisation de tous les albums produits en France.

Sayon Bamba est une chanteuse que j’ai encadré à ses tout débuts. La liste est longue et présentement, j’encadre au sein de mon groupe, la jeune dame Adama Oularé, qui est enseignante chercheure à l’Institut des Arts Mory Kanté qui joue à la basse et s’en sort bien.

Ma contribution est plus dominante au niveau des expatriés, qui viennent très souvent profiter de mes connaissances pour apprendre le saxophone. Cependant, nos jeunes préfèrent et continuent d’acheter les claviers ‘’Casio’’ à vil prix, faire des programmations et chanter dessus. C’est dommage et si, nous nous sommes des musiciens de devoir, eux ils sont ceux ‘’d’avoir’’.

Guineenews© : Quelles sont vos sources de revenus et vous vivez de quoi en cette période de confinement ?

Maitre Barry : Rassurez-vous que je vis de l’utile et de l’agréable. Dieu m’a guidé à choisir ces deux plus beaux métiers où on respecte les gens  l’enseignement et les arts. Je vis donc de ma pension bien qu’elle soit dérisoire, et de l’appui de mes fans qui font tourner mon groupe de musique dans différents espaces hôteliers de la place. Tout récemment, j’ai eu l’honneur de bénéficier de l’appui du gouvernement quant à l’octroi des indemnités aux anciennes gloires. C’est ainsi que j’essaie tant bien que mal à joindre ou à rapprocher les deux bouts.

Il faut l’avouer, que cette pandémie a été un frein brusque qui a ralenti ce secteur des arts et de la culture.

Guineenews© : Quels conseils pouvez-vous léguer à la jeune génération de musiciens ?

Maitre Barry : La jeune génération, remettez-vous en cause et revenez sur terre. C’est l’un des pays qui a beaucoup plus de genres de rythmes. Dans chaque région ici, tu as une rythmique. Notre folklore est riche et varié. Malgré notre richesse culturelle, par contre nous sommes complexés. Ceux qui parviennent à mettre en valeur notre culture se disent que ça ne rapporte rien. Pourtant, on ne peut pas construire une maison en commençant par le toit. On débute la construction par le soubassement. Repartons tous à la source et c’est là où réside l’avenir de la musique guinéenne.

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