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Relations franco-africaines : Perspectives d’avenir

Par Youssouf Sylla, analyste à Conakry.

Le bilan des relations politiques franco africaines étant nettement en défaveur des africains, compte tenu de la position dominante de la France, il est temps que les Etats d’Afrique francophone, 60 ans après leur indépendance, commencent à tirer les leçons de la vie de couple qu’ils forment avec la France. Mais aussi qu’ils fassent évoluer ces relations vitales avec elle.

Parmi les leçons à tirer, il faut bien reconnaitre les difficultés pour un seul Etat d’Afrique francophone d’influencer la France sur telle ou telle autre question sans son vouloir. Alors que dans le sens inverse, on peut vraiment parler de facilité d’influence. Cela tient bien évidemment auxcapacités de négociation inégales des parties en relation mais aussi à l’interaction entre leurs forces et faiblesses.

Ce constat permet de dire qu’il est de l’intérêt des Etats d’Afrique francophone d’avoir sur les questions, qui sont au cœur de leurs relations politiques avec la France, des positions communes et harmonisées. Ceci, pour atténuer, voire maitriser avec le temps, l’influence de la partie dominante. Ainsi, la première leçon à tirer est un effort vers l’harmonisation des positions africainessur les questions clefs.

On objectera avec raison que l’Afrique francophone étant plurielle, il serait illusoire de compter sur une telle harmonisation compte tenu des intérêts divergents des Etats qui la composent, d’une part, et d’autre part, des relations particulières que certains parmi eux ont avec la France. Soit ! Mais pour se rendre compte des conséquences du manque de positions harmonisées des Etats africains, il faut juste observer le statut de chaque Etat africain dans sesrelations avec la France. Il s’agit d’un statut de partenaire passif, par conséquent malléable et influençable. Alors que la France garde le statut de partenaire actif et offensif.

La deuxième leçon à tirer des relations franco africaines vient du constat précèdent. Ce constat suggère logiquement, le passage du statut de partenaire passif à un statut de partenaire actif. Ce saut en avant doit être qualitatif, en ce qu’il permet d’améliorer les capacités de négociation de la partie africaine par la densification des arguments en faveur des positions communes, mais aussi quantitatif, en ce qu’il permet à la partie africaine de peser lourd dans ses relations avec la France,à raison de l’effet du nombre. En effet, la nécessité pour la partie africaine de construire des positions communes trouve sa raison d’être dans la similarité, bien qu’à des degrés divers, de leurs situations respectives, en particulier sur le plan politique.

Défis politiques des Etats d’Afrique francophone

Les temps changent, les défis avec. Aujourd’hui tous les Etats d’Afrique francophone sont confrontés sur le plan politique, chacun à sa manière, aux pressions grandissantes de la jeunesse, de la société civile et de la classe politique, dans les domaines de la protection des droits humains, du renforcement de la démocratie,de l’Etat de droit, et de la lutte contre l’insécurité, y compris le terrorisme et le crime organisé. Il est donc possible d’identifier les questions de « Paix et sécurité » et de « Etat de droit et démocratie » comme étant les plus importants défis politiques à relever pour accroitre la responsabilité, la légitimité et la respectabilité des Etats d’Afrique francophone.

Ces défis sont ceux qui doivent être au cœur des relations franco africaines, s’il existe de part et d’autre une volonté de faire évoluer ces relations en vue de les mettre en phase avec les aspirations des sociétés africaines et de les déconnecter de la Françafrique, ces réseaux parallèles qui agissent en toute impunité et opacité dans l’intérêt exclusif des chefs d’Etat franco africains.  

Pour une réforme des relations franco africaines

Les propositions de réforme des relations franco africaines ne tombent pas du bien. Elles ont un ancrage historique. L’initiative pour la création d’une force africaine a germé dans les esprits des chefs d’état africains et français lors du sommet de Biarritz en 1994, quelques mois seulement après le génocide rwandais. Mais, c’est en 2014 qu’elles ont pris une forme effective avec François Hollande à travers la mise en place du G5 Sahel  par un accord interétatique. En ce qui concerne les initiatives d’extraction des relations franco africaines des mains des hommes de réseaux parallèles, elles sont venues notamment de Jean-Pierre Cot, l’éphémère ministre de la coopération de Mitterrand poussé vers la porte de sortie à cause de ses idées, jugées idéalistes à l’époque, et de Lionel Jospin, premier ministre de Chirac (pendant la cohabitation) mais non responsable de la diplomatie, domaine constitutionnellement réservé au président de la République.

Il s’agit de donner un écho favorable à ces initiatives novatrices qui ont aujourd’hui le grand avantage d’être en phase avec les réalités et les aspirations du plus grand nombre. En effet, la réforme proposée passe par sa formalisation et sa prise en charge par une organisation internationale dédiée, ce qui est aussi le gage de la transparence. Dans le schéma proposé, cette organisation devrait intégrer les fameux sommets franco africains et reposer sur deux principaux piliers : un pilier « Paix et sécurité » et un autrepilier « Etat de droit et démocratie ».

Le premier pilier mettra en place un cadre permanent de concertation franco-africain permettant de lutter contre le terrorisme, les autres formes de crimes organisés et les agressions extérieures contre un Etat membre de l’organisation. L’intervention française prend ici toute son importance pour renforcer les capacités de renseignements de l’organisation et former ses unités d’intervention armée sur le terrain après le feu vert de l’Onu. Ce premier pilier peut être une extension du G5 Sahel (limité à l’espace Sahélo saharien pour lutter contre le terrorisme) aux autres Etats d’Afrique francophone. L’importance fondamentale de ce pilier est de faire de l’intervention isolée de l’armée française en Afrique un vieux souvenir.

Le second pilier doit être aussi le lieu de concertation franco-africain sur les questions de renforcement de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits de l’homme. Il devrait permettre, par la formation, les échanges d’expériences et autres formes d’assistance, la diffusion au sein des Etats membres des meilleures pratiques démocratiques. Dans le cadre de ce second pilier, les cas les plus graves de violation des droits humains et de péril imminent à l’Etat de droit, devraient en dernier lieu faire appel aux unités d’intervention armée autorisées par l’Onu, si les solutions diplomatiques initiées montrent leurs limites.

En dehors des menaces graves à la sécurité d’un Etat et à l’Etat de droit, l’organisation à mettre en place ne doit avoir aucun pouvoir de contraintesvis-à-vis de ses membres. Ceci est d’autant plus important qu’elle doit fonctionner comme une structure respectueuse de la souveraineté de chacun de ses membres. Elle doit donc agir non par voie d’autorité mais par voie de recommandations sans effet obligatoire. Pour terminer, disons que l‘avantage de cette réforme est de sortir des relations franco africaines du secteur de l’informel, source d’abus et de prolifération d’intérêts personnels des détenteurs des pouvoirs politiques et financiers, au détriment de ceux des populations africaines.

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