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Taxis-motos en Guinée : pour mieux connaître la genèse de cette activité

En abordant ce sujet, nous rendons hommage à feu Fodé Issiaga Fofana ex chef du bureau régional des transports terrestres de Faranah. Cet ingénieur, rappelé à Dieu en juillet dernier, a été un de nos experts de haut niveau en réglementation, doublé d’un documentaliste à la mémoire pleine et solide, apte à vous restituer à main levée et parfaitement, le libellé de l’essentiel des textes réglementaires qui régissent la circulation routière chez nous. Il en avait  parfaitement assimilé le maximum, au point de les réciter tous, par cœur. Ce qui impressionne toujours plus d’un.

Avec lui, nous avons participé à des ateliers de formations destinés à la police et à la gendarmerie routières. De même, nous avons également suivi, pas à pas, l’évolution de ce phénomène de taxi-moto.

Nous allons vous proposer de revenir sur le substrat de ce qu’il nous avait dit sur l’histoire ou, pour faire moins prétentieux, la genèse de l’activité taxi moto dans notre pays. Nous avons gardé assez intacts, les propos que ce fin connaisseur de ce dossier a tenus, il y a quelques années de cela, au micro de l’émission Prudence sur la Route de la RTG.  Peut être, cela pourra-t-il servir à ceux d’entre nos lecteurs qui sont friands d’information ou de documentation sur le sujet ? Et ce serait tant mieux !

« C’est à Nzérékoré, nous avait dit Fodé Issiaga Fofana, précisément le  5 octobre 2004, que les premiers taxi-motos ont vu le jour dans notre pays. Ils étaient au nombre de quatre au départ. J’étais à l’époque chef de section au CADAZ, (centre d’administration automobile de Nzérékoré) ancienne appellation de l’actuel bureau régional des transports terrestres. Notre centre était dirigé par monsieur Sékou Dramé, aujourd’hui à Boké, dans les mêmes fonctions.

Le lancement de cette activité de taxi moto était la réponse à un besoin réel de transport urbain à Nzérékoré. En effet, la paix revenue en Côte d’Ivoire et au Libéria voisins, avait entraîné le retour massif, dans ces pays, de nombreux véhicules qui assurent le transport en commun dans la capitale de la Guinée forestière. Cette ponction a été si importante qu’elle a réduit considérablement l’offre habituelle en moyens de transport. Celle-ci était désormais inférieure à la forte demande de moyens de déplacements dans la ville. Cette équation basique, bien connue en économie, était totalement perturbée.

Déjà, à l’époque, Nzérékoré disposait de treize têtes de ligne ou gares routières. Ce qui en faisait une ville à la forte démographie où le mouvement de populations était intense et attendait d’être comblé, au plus vite. Nous étions confrontés à cet épineux problème. Tout le monde était soucieux, préoccupé, nous du CADAZ, encore plus que les autres.

En notre qualité de spécialistes, professionnels des transports terrestres et représentants du ministère des transports, nous ne pouvions pas nous asseoir et croiser les bras. Nous étions obligés d’être imaginatifs pour tenter de pallier cette situation urgente de manque de moyens de déplacement dans la ville.

C’est dans cette situation bien embarrassante et presque sans issue perceptible, qu’un opérateur économique de la place, du nom de Mamady Kaba est venu proposer à notre centre d’administration automobile, une dizaine de motos. Il nous incitait, tout en restant suggestif. Sa question a été  la suivante: « pouvez-vous les injecter (les motos) dans le système de transport urbain pour tenter de résoudre ou sinon atténuer le problème de déplacement qui se pose avec acuité ? »

Sur le coup, nous étions surpris, mais nous avons quand même accepté avec quelques réserves. Nous doutions que cela puisse avoir un quelconque effet salvateur sur le problème aigu qui était posé. Mais notre chef de centre était disposé à toute proposition de solution. Il a donc accepté que nous tentions l’expérience. Et, pour ne pas courir le risque d’un échec, le service  n’a pris que quatre des dix motos proposées. Et c’est ainsi que, pour nous donner le maximum de chance de réussite, nous avons entrepris de former quatre pilotes pour ces motos. Le premier d’entre eux s’appelle Mohamed Magata Kakoro. Il est l’actuel président du syndicat des taxis-motos, (à l’époque) le second, c’est un certain Diallo Kabinet, également membre du syndicat, le troisième Kaba Condé, le quatrième Mamady Kéita, tous installés à Nzérékoré. Nous les avions formés et équipés comme il faut, avant de les mettre sur le terrain.

Notre chef de centre, nous avait dit de considérer cette opération comme un essai à faire valoir entre le 05 octobre 2004 et le 05 janvier 2005, soit 03 mois. Nous étions face à une alternative. Si l’expérience s’avère concluante, et bien, c’est tant mieux, nous a-t-il dit ! En ce moment, nous n’aurons plus qu’à l’accompagner, la vulgariser, la structurer et la développer. Ce qui constitue une partie de notre mission de service public. Au cas contraire, il ne nous sera pas difficile d’interrompre le processus, puisqu’il n’y a que quatre ‘’motos-cobayes‘’ qui sont lancées sur le terrain.

Mais, ce que personne à l’époque ne pouvait imaginer, c’est le développement fulgurant que cette expérience allait avoir. Trois mois après son lancement, nous nous sommes retrouvés avec plus de 400 motocyclistes qui s’engagent à sauter le pas, pour faire la même chose.

Tout est parti de là, avant de rayonner sur l’ensemble du territoire. Bien entendu, avec les difficultés et les inconvénients qui devaient en résulter et dont nous allons faire l’économie de l’énumération. » 

Inconvénients résultant de la naissance de l’activité taxi moto

« Nous en citerons seulement quelques-uns. Dès l’apparition de ce mode de transport en commun par moto, la circulation s’est encombrée davantage. Les infractions au code de la route, les incidents entre usagers et les accidents de la circulation avec morts ou blessés graves se  sont accrus. Cela nous a valu d’être souvent interpellés par notre tutelle rapprochée, à savoir monsieur le gouverneur. Rappelons, dans le même ordre d’idées, que rien n’a jamais été mis en œuvre pour assurer de façon formelle et systématique, la formation théorique et pratique à la conduite motocycliste. Pendant ce temps, le permis de conduire est exigé pour piloter lesdits engins. Un vrai paradoxe, qui n’est pas encore levé! Dès lors, les problèmes de circulation et d’accidents ont commencé à alerter et à interpeller l’opinion.

Nous avons bien tenté d’endiguer le phénomène à notre niveau. Sans résultat concret, il est vrai. Nous avons assuré, au siège de notre service, quoique ce ne soit pas notre mission traditionnelle, une formation destinée à de nombreux postulants, par groupe de 25, pendant quelques mois. Rien n’y fit ! C’était comme une boîte de Pandore, ouverte.

C’est dans cette période que Mohamed Magata Kakoro s’est rendu à Kankan pour un partage d’expériences, pendant que Lola s’était déjà lancée dans la pratique.

Peu après, par le phénomène bien connu du mimétisme, notre pays a vu se développer, progressivement et inexorablement, la pratique de taxi-moto qui a fini par s’imposer partout. Elle rayonne aujourd’hui sur l’ensemble du territoire. »

La part de l’Etat dans l’instauration de l’anarchie dans le secteur

« Le ressac du phénomène était trop fort pour être supporté et contenu, à notre seul niveau. Surtout qu’au même moment, on se rendait compte que des cadres s’infiltrent dans le processus avec, pour certains, une dizaine de motos à leur compte. Ces engins étaient mis en circulation, sans en référer à notre service. Cependant, nous étions bien les représentants du ministère des transports qui est le seul habilité à délivrer tout agrément ou autorisation requis pour l’exercice d’une quelconque activité de transport.

Devant le silence de nos autorités de l’époque, la nature ayant horreur du vide, on a inversé les rôles. En lieu et place de nos agréments techniques, les seuls légitimes en la matière, on a plutôt substitué des agréments commerciaux que pouvait délivrer n’importe quelle autorité de la place.

Cela allait du chef de quartier au gouverneur, en passant par le commissaire urbain ou central, le commandant de brigade, le maire, le sous-préfet,  le préfet, le directeur de micro-réalisations et même le responsable d’ONG.

L’activité devenait une vache laitière que chacun voulait traire à son profit. D’où le cercle vicieux dans lequel le secteur a végété, des années durant. Avec les mauvaises habitudes qui en ont résulté.»

Un début de régulation du secteur est amorcé

« L’administration a manqué de célérité dans la régulation et la gestion du flot incessant d’importation de motos dans le pays. Elle a beaucoup tardé à réagir pour baliser et structurer l’activité de taxi moto.

A titre d’illustration, ce n’est qu’en mars 2010, soit six ans après, qu’un premier arrêté a été pris par le département des transports pour réglementer le secteur. Lequel évoluait déjà, depuis au moins six ans, avec plein de tâtonnements, d’improvisations et de désordre.»

De tout cela nous parlerons, dans les prochaines publications que nous comptons consacrer au sujet. 

 

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