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L’ARPT : le ministre français et les 51 millions détournés…

Comme relayé dans un de nos articles précédents, une nébuleuse relative au détournement présumé de cinquante-un millions de dollars américains (51.000.000 USD) attribué à Morlaye Youla et N’fa Ousmane Camara alias « O.C », respectivement anciens directeur général adjoint et directeur général de l’autorité de régulation des télécommunications (ARPT), défraie encore la chronique dans la cité. L’affaire a été rendue publique le 10 août 2020 par Alpha Seny Camara, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Kaloum. Selon le procureur, les deux présumés auteurs de ce crime économique ont été inculpés pour « faux et usage de faux » et « détournement de deniers publics ».

Mais comment en est-on arrivé là ? Mathurin devant le juge d’instruction

C’est le 22 mai 2009 que la Guinée a signé le contrat léonin d’accord de partenariat et de supervision des tarifications des appels téléphoniques avec la société Global Voice Group (GVG), et cela pour une durée initiale de soixante (60) mois, soit 5 ans.

La signature a été effectuée au compte de l’Etat guinéen par Mathurin Bangoura, à l’époque ministre des Postes et télécommunications et paraphé par Emmanuel Niane, ancien président du conseil national de régulation des télécoms.

Justement, étant donné qu’à l’époque des faits la version de l’ARPT était entièrement autonome, elle était régie par un conseil d’administration (CA). C’est le conseil national de régulation des télécoms qui jouait ce rôle conformément à la loi L056 portant gouvernance des établissements publics à caractère industriel et commercial. Donc, Mathurin n’avait  aucun pouvoir de signer un tel contrat au nom de l’ARPT. Idem pour Emmanuel. Ce qui fait que l’ancien ministre des Postes et télécommunications de la transition a déjà comparu devant le juge Mohamed Diawara concernant cette affaire ce mardi 2 septembre 2020, a-t-on appris de sources proches du dossier. Faut-il toutefois noter que l’ARPT comme la plupart des établissements publics à caractère industriel et commercial du pays générant des millions de dollars comme revenu annuellement s’est taillée un statut particulier très ambigüe. Au lieu que les lois ne lui soient appliquées, ses dirigeants l’ont mis sous ce statut particulier, une façon de profiter des deniers publics sans aucun droit de regard de l’Etat guinéen lequel parfois est obligé de s’endetter vis-à-vis d’elle pour combler le déficit du trésor public avant l’arrivée des missions de revue du fonds monétaire international (FMI)

Selon plusieurs sources concordantes, l’ancien DG de l’ARPT, Moustapha Mamy Diaby a résilié le contrat en 2014, ce qui constituait pour GVG un manquement grave du cahier des charges qui liait les deux parties. Suite à ce bris de contrat, GVG a porté plainte en 2016 non pas contre l’ARPT mais contre l’Etat guinéen pour résiliation abusive de contrat devant la cour arbitrale de la chambre de commerce international (CCI) de Paris.

Après examen du dossier par la CCI, la Guinée a été condamnée le 18 juillet 2019 à payer à GVG vingt trois millions de dollars américains (23.000.000 USD) et au paiement de cinquante-un mille trois cent trente trois dollars américains (51.330 USD) au titre de dommages et intérêts (y compris le remboursement des frais d’avocats).

Pour sa part, dès le 03 octobre 2019, la Guinée a adressé un recours en annulation de cette sentence. Celui-ci a été enregistré le 5 septembre 2019 à la cour d’arbitrage de la chambre de commerce international de Paris.

Comment la fraude était organisée entre GVG et les fossoyeurs présumés de l’Etat ?

Dans le contrat signé entre le ministère des Postes et télécommunications représentant l’Etat guinéen et Global Voice Group, ce dernier s’occupait de la facturation des terminaisons d’appels sur la Guinée. Le deal mis en place était de faire des factures de fausses prestations pour sortir de l’argent facile dans le projet STP (plateforme mise en place) par GVG pour contrôler les appels entrants de l’extérieur vers la Guinée.

GTY Télécoms qui a bénéficié de la part de Morlaye Youla et O.C alors DG et DGA de l’ARPT, d’une convention d’assistance technique pour la supervision du trafic local entre opérateurs nationaux, produisait de vraies factures pour de fausses prestations. Car en réalité, GTY Télécom n’a jamais fait ces prestations parce que celles-ci étaient étaient consignées dans le contrat initial de GVG donc assurées par cette dernière…Donc, des vraies facturations étaient faites et payées pour de fausses prestations de service au compte de GTY Télécoms. C’est le cumul des montants surfacturés depuis 2010 qui donne les 51 (y compris les retro-commissions) millions de dollars américains détournés par les deux présumés inculpés et leurs complices. Il se rapporte d’ailleurs que GTY Télécoms tout comme GTY-eau source de vie appartiendraient au sieur Youla !

Pour sa défense, l’ARPT a parlé de corruption d’agents publics par GVG comme l’un des motifs de résiliation du contrat détenant des preuves irréfutables de paiement d’émoluments par GVG aux 2 cadres mis en cause dans cette affaire. Elle persiste d’ailleurs en disant que GVG ne doit et ne peut porter plainte contre l’Etat puisque l’affaire ne concerne que son institution. Le procès-verbal du représentant de la société GVG, Ibrahima N’diaye un Sénégalais de nationalité entendu par la police guinéenne en date du 12 avril 2011 laisse croire clairement des aveux de corruption et d’atteinte aux intérêts de l’Etat guinéen dans cette affaire. Ce dernier s’est senti trahi par GVG et les cadres impliqués dans cette malversation présumée et n’a pas hésité de les dénoncer détenant des preuves tangibles contre eux.

Le 17 septembre 2019, estimant qu’il y a eu effectivement corruption avérée et une atteinte aux intérêts  de l’Etat guinéen, l’ancien ministre des Postes et télécommunications Moustapha Mamy Diaby a saisi l’agent judiciaire de l’Etat à travers une plainte pour l’ouverture d’un procès contre la société GVG et complices devant les tribunaux de Conakry. L’Etat guinéen semblerait être réconfortée sur sa position suite aux aveux du directeur régional de GVG le Sénégalais Ibrahima N’diaye relative à la corruption.

Toutes nos tentatives de joindre messieurs Ousmane Camara et Morlaye Youla pour connaître leurs versions des faits, sont restées sans suite.

Le ministre des télécoms Oumar Said Koulibaly ne veut pas commenter.

Interrogé par Guinéenews© pour connaître sa réaction dans cet imbroglio judiciaire, le nouveau ministre des Postes et télécommunications Oumar Said Koulibaly affirme qu’il ne veut pas entraver à la justice étant donné que le dossier est en instruction devant le juge. « Le dossier est en instruction. Vous contiendrez avec moi dès lors que je ne peux le commenter à ce stade. Ce qui est sûr, le président de la république a donné des instructions fermes à ce que cette affaire soit tirée au clair par la justice guinéenne », a affirmé le ministre Koulibaly.

Cette position du président de faire la lumière sur cette affaire conforte celle du nouveau ministre de la justice Mory Doumbouya, qui selon toute vraisemblable, maîtrise parfaitement ce dossier étant donné que c’est lui qui était agent judiciaire de l’Etat quand le problème a commencé en 2016. Lors de la rencontre avec acteurs (ministres Koulibaly et Doumbouya, Alpha Condé et Kouchner à la présidence), après que son homologue ait expliqué la situation, c’est Mory qui a réussi à convaincre le chef de l’Etat à laisser la justice faire son travail. Ce que ce dernier a adhéré puisque ça correspond à sa vision, nous rapporte-t-on.

« En conduisant la procédure interne jusqu’au bout, la Guinée prouverait ainsi le détournement et la corruption orchestrés par  GVG pour pérenniser son contrat…», a affirmé avec certitude un haut cadre de l’Etat guinéen qui a strictement requis l’anonymat au regard de la sensibilité du dossier. Ces informations viennent confirmer celles issues des documents et autres enregistrements sonores que Guinéenews© a consultés.

« A date, la Guinée n’a rien payé à GVG. Elle a plutôt fait appel de la sentence et maintient que les agents de l’Etat ont été corrompus par  GVG. Or, il ne saurait y avoir de corruption sans corrupteurs », précise-t-il.

Face à la complexité liée à l’exécution d’une telle décision de justice, GVG a engagé des démarches d’un ancien dignitaire français pour un règlement à l’amiable. C’est pourquoi, rapportent nos sources, Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères et ami du président Alpha Condé a été mis à contribution par GVG pour rabibocher les deux parties pour un règlement à l’amiable. « Il était à Conakry en fin août 2020. Il y a eu une séance de travail entre lui, le ministre des télécoms, le ministre de la justice et le président de la République. Car il estime que les chantages de GVG peuvent salir l’image de la Guinée à l’étranger un pays où son ami est chef d’Etat, il serait mieux de procéder à un règlement à l’amiable de cette affaire …», ajoutent nos sources.

Déjà, le 07 octobre 2019, le Premier ministre, Kassory Fofana a adressé une lettre au ministre de la Justice pour un règlement à l’amiable du contentieux. Le 12 décembre 2019, le chef de gouvernement a une fois de plus, réitéré le règlement du conflit à l’amiable sans succès.

Ce n’est pas la première fois qu’un ancien dignitaire du régime français intervienne dans la médiation pour résoudre un conflit à l’amiable dans les affaires. On se souvient qu’entre 2018 et 2019, l’ancien président français Nicolas Sarkozy était intervenu dans le bras de fer qui opposait la Guinée et BSGR du milliardaire franco-israélien Benny Steinmetz autour des blocs 1 et 2 du minerai de fer Simandou.

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